Archives nationales : rééquilibrage ou dislocation ?

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Schéma pluriannuel de stratégie immobilière du ministère impactant le Quadrilatère à Paris, avenir du site de Fontainebleau, magasins en sous-sols du CARAN… Les dernières semaines ont livré des éléments cruciaux pour l’avenir des Archives nationales. Le point sur la situation.

Choses lues et entendues

  • le 16 septembre, la direction des Archives nationales déclarait « sans objet » l’hypothèse d’une amélioration des conditions de conservation des magasins situés dans les sous-sols du site parisien en raison de leur vulnérabilité au risque d’une crue « centennale » de la Seine. Elle annonçait peu après la très prochaine évacuation  de l’ensemble des documents s’y trouvant actuellement conservés ;
  • le 17 septembre, en Comité technique ministériel, le secrétaire général Christopher Miles indiquait qu’une décision serait prise en fin d’année au sujet du site de Paris des AN, une fois « prises en considération […] l’ensemble des problématiques d’implantation des services d’archives, qu’il s’agisse de Paris, de Fontainebleau et de Pierrefitte, voire des deux autres services d’archives implantés en région que sont Roubaix et Aix-en-Provence ». Suite des propos du secrétaire général : cela se fera « dans le cadre de l’évolution – et je pèse mes mots – du projet scientifique et culturel des AN, qui doit être élaboré et concerté avec l’ensemble des personnels » ;
  • fin septembre, le Ministère dévoilait son projet de budget pour 2016, lequel prévoit de « lancer de nouveaux projets tant en région qu’à Pierrefitte-sur-Seine et à Paris ». Grand absent de ce projet : Fontainebleau (voir p. 60 du dossier de presse ministériel).

Les conséquences : de 3 à 1,5 sites ?

Un an et demi après la fermeture préventive des unités de Fontainebleau, la perspective de l’abandon des magasins situés en sous-sols du site de Paris (12,5 kml. en tout, dont 8 kml. sous le CARAN, offrant les meilleures conditions environnementales du site) est présentée comme la seule possibilité de prévention des risques en cas de crue centennale. Pourtant, certaines institutions, à l’instar de la BNF qui conserve également des documents en sous-sols inondables sur ses sites (Arsenal, Opéra), font d’autres choix et investissent dans la mise au point de dispositifs spécifiques (mise en caissons préventive, plans d’évacuation d’urgence) ; cela sans évacuation des collections a priori. À quoi seraient destinés ces espaces libérés ? En tout état de cause, il sera absolument nécessaire pour les Archives nationales de compenser en surface – et ce sur le site même de Paris – une éventuelle perte du linéaire en sous-sols.

Fontainebleau, fermé depuis mars 2014, est en état de sinistre grave après l’inondation découverte en juillet 2015 qui est pour partie la résultante de l’application du principe de précaution interdisant l’accès aux unités de stockage. Des propos du secrétaire général selon lesquels les Archives nationales, les ANOM et les ANMT ont désormais destin lié – laissant présager de futurs transferts de fonds –, comme de l’absence du site de Fontainebleau du dossier de presse ministériel sur le budget 2016, il semble difficile de conclure autre chose que la fermeture, ou plutôt la non-réouverture programmée de ce site. La mise en avant de « nouveaux projets à Pierrefitte-sur-Seine » n’annonce-t-elle pas pour sa part le lancement des travaux d’équipement du différé – au demeurant nécessaires –, pour accueillir tout ou partie des fonds de Fontainebleau… et la collecte des notaires au cas où celle-ci ne pourrait maintenant plus trouver place sur Paris ?

Le Quadrilatère des Francs-Bourgeois, quant à lui, risque d’être réduit à une vitrine des Archives nationales (expositions et archives anciennes), tandis que les autres locaux seraient abandonnés à la spéculation immobilière décidée par le ministère. Vidé de façon excessive des archives qui y étaient conservées jusqu’en 2012, condamné en partie par le rapport Magnien-Notari qui abandonnait une partie des bâtiments sans tenir compte de la réalité des besoins des services implantés sur le site, il est aujourd’hui convoité par un ministère sommé de façon ubuesque de vendre un immeuble inauguré il y a 10 ans. La décision prise par la direction des AN de vider les sous-sols du CARAN le mettrait plus encore en danger s’il n’y a pas compensation de locaux de conservation en surface, obérant par exemple la collecte des minutes de notaires telle que prévue initialement et la récupération de celles stockées aux ANMT faute de place aux AN.

Trois ans après le déménagement et la refondation tant vantée des Archives nationales sur trois sites, le projet, qui ne permettait déjà pas l’équilibre entre les différentes entités, risque donc de se solder par la disparition progressive de l’une d’elles et d’une partie de l’autre : de trois sites à un et demi. Inquiétude excessive ? Fantasmes ? Pourquoi alors le secrétaire général du Ministère Christopher Miles précise-t-il qu’il « pèse ses mots » en annonçant la révision du PSCE des Archives nationales ?

N’oublions pas nos collègues du SIAF, sous la menace d’une délocalisation dans le « grand Paris », ni les formations DGPat : l’accueil des stagiaires du réseau se fera à l’avenir bien petitement, dans deux bureaux de l’hôtel de Jaucourt, dans des conditions de travail objectivement dégradées par rapport à l’actuel bâtiment des Stages. Les formations seront-elles les premières à pâtir de la muséification du site de Paris ?

Conclusions

La CFDT a plusieurs fois alerté sur les dangers et formulé des propositions concrètes :

  • À la fermeture de Fontainebleau avaient été opposées la réouverture partielle et une requalification du site autour d’activités techniques (tract d’appel au vote le 24 novembre 2014 et « Fontainebleau, un an après », le 27 mars 2015) ;
  • Au rétrécissement de Paris à une façade patrimoniale avait été opposé un élargissement des fonds conservés, permettant d’assurer un niveau d’activité conséquent (tract « Revoir Paris », le 16 avril 2015) et le maintien d’une dimension professionnelle forte (tract « Formations DGPat, Bâtiment des stages : le début de la fin ? », le 28 mai 2015) ;
  • À la prépondérance de Pierrefitte, qui est et sera plus encore, du simple fait de l’accumulation de fonds avec le temps, un acteur majeur du paysage archivistique français, avait été opposé un exercice de ses missions en lien fort avec les deux autres entités franciliennes des AN (tract d’appel au vote).

À chaque fois, il s’agissait d’aider à trouver un équilibre dans un projet qui présentait bien des inégalités entre ses acteurs, et de nombreux risques. Faute de prise en compte de ces alertes, des événements, des décisions isolées, des atermoiements du ministère aboutissent à remettre en cause des services, des conditions de travail, un équilibre général déjà précaire.

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Les décisions à venir et leurs conséquences immédiates en termes de capacité de conservation, et par conséquent de communication, engagent directement l’avenir et la possibilité d’existence des sites de Paris et de Fontainebleau. La CFDT-Culture appelle maintenant à une discussion pleine et entière sur ces enjeux majeurs.

La CFDT-Culture demande le maintien d’un maximum de linéaire et d’activités dans les bâtiments qui demeureront utilisables sur le site de Fontainebleau.

Elle demande le maintien de l’ensemble des fonds actuellement conservés sur le Quadrilatère et la poursuite de la collecte des minutes notariales telle qu’envisagée dans le projet des Archives nationales. Elle ajoute qu’en cas de fermeture de Fontainebleau, les locaux du site de Paris permettraient de proposer à une partie du personnel des emplois sur un site moins éloigné de son domicile que ne le serait Pierrefitte.

Le site de Paris doit aujourd’hui retrouver son rôle entier pour les Archives nationales, cela tout en continuant, sans nuire aux missions des Archives, à abriter des services du ministère de la Culture. La CFDT-Culture attend donc un engagement fort du ministère de la Culture pour un fonctionnement durable de ce site au profit de tous : Archives nationales, ministère, publics et citoyens.

Il est en tout état de cause urgent de ne plus considérer Pierrefitte comme le site des AN, le seul à avoir une activité archivistique pleine et entière, concentrant la très grande masse des fonds et réduisant Paris à un site de représentation esthétique privé de ses magasins, où l’activité « archives » deviendrait accessoire. Un plus grand équilibre des masses, une plus grande coopération permettraient seuls un partage des savoirs et un mode de fonctionnement commun susceptibles de faire des « Archives nationales sur plusieurs sites » autre chose qu’un slogan.

CFDT-Culture, section Archives
cfdt.archives@culture.gouv.fr
02 novembre 2015

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