Le ministère de la Culture supprime les archives du projet de loi Patrimoines !

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Le 27 mai 2015, le ministère de la Culture et de la Communication (MCC) a transmis aux organisations syndicales le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) en prévision du CTM du 4 juin 20151. La section archives de la CFDT-Culture est tombée des nues en découvrant que l’ensemble des dispositions relatives aux archives, élaborées depuis 2012, avaient tout simplement disparu du projet de loi, alors qu’elles s’y trouvaient encore dans la version de décembre 2014 qui lui avait été transmise au début de l’année 2015. Seuls restent à ce sujet quelques toilettages sémantiques relatifs à la fusion des départements et des régions en Martinique et en Guyane.

La nécessité d’une loi sur les archives après la loi de 2008

Rappelons que si la législation relative aux archives a eu la chance d’être actualisée en 2008, cette réforme avait mis un temps certain avant d’aboutir et a rapidement fait montre de lacunes. Il devient notamment urgent de modifier le code du patrimoine pour adapter son livre II aux besoins de l’archivage numérique.

C’est pourquoi le projet de loi LCAP incorporait encore dans sa version de décembre 2014 un article d’habilitation à légiférer par ordonnance, prévoyant :

  • – l’adaptation du Code du patrimoine au numérique (introduction du terme de « données » dans l’article L211-1, extension des possibilités de mutualisation à des fins d’archivage électronique) ;
  • la simplification des possibilités de mutualisation des services d’archives de collectivités, pour prendre notamment en compte l’importance croissante de l’intercommunalité. Sans ces dispositions, les petits départements ne sont pas prêts de s’équiper des systèmes d’archivage électronique dont ils ont besoin pour conserver la mémoire de nos territoires, et les communes ne pourront pas sécuriser la dématérialisation qu’on leur impose par d’autres voies.
  • la refonte du droit des archives en Outre-Mer pour mieux protéger les sources de l’histoire ultra-marine.

Le projet de loi LCAP incluait ensuite des articles renforçant la protection du patrimoine archivistique : inclusion claire de toutes les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques, interdiction du démembrement des fonds d’archives privées classés, création de nouvelles sanctions administratives en cas de non-respect des règles d’externalisation, révision des délais de communicabilité. Mais de ces besoins exprimés à de nombreuses reprises par les professionnels des archives le MCC n’a visiblement que faire !

Une indifférence totale pour le travail d’un réseau de professionnels

Dès le lancement en 2012 par Aurélie Filippetti des travaux préparatoires à une loi sur les patrimoines, le Service interministériel des Archives de France (SIAF) avait pourtant mobilisé ses équipes pour identifier les dispositions essentielles à l’amélioration de la collecte, de la conservation et de la valorisation du patrimoine archivistique français. Ces équipes ont suivi attentivement les nombreuses concertations internes au ministère, puis les discussions interministérielles. Entre temps, elles ont coordonné des concertations externes qui ont mobilisé le réseau des services d’archives de France, les organisations syndicales et l’Association des archivistes français. Cette dernière a lancé pour l’occasion une large consultation auprès de ses adhérents afin de recueillir le maximum de besoins.

Le MCC avait déjà fait preuve d’une certaine désinvolture à l’égard de ce travail à l’été 2013 en renvoyant à une ordonnance les mesures, pourtant essentielles, que nous avons détaillées. La CFDT-Culture s’était déjà émue de cette coupe menée sans concertation. L’expérience n’a visiblement pas servi puisqu’aujourd’hui le MCC supprime purement et simplement, sans concertation ni explication, l’ensemble des mesures relatives aux archives. La décision paraît prise au plus haut niveau, sans considération pour les équipes et pour le secteur des archives, qui implique de nombreuses administrations, personnels et entreprises privées qui étaient fortement mobilisés autour du projet. Le MCC va donc pouvoir perdre tranquillement toute crédibilité dans un secteur d’activité touchant l’ensemble des administrations publiques et un secteur privé en développement, très dépendant de la puissance publique.

Un souverain mépris pour l’histoire des citoyens

Mais finalement, est-ce si grave ? Qui se préoccupe de papiers poussiéreux en dehors de quelques archivistes ? Fidèle au stéréotype du genre, la réponse ne semble pas faire l’ombre d’un doute dans l’esprit de celui qui a pris la décision de supprimer l’ensemble des dispositions relatives aux archives du projet de loi LCAP.

Peut-être faudrait-il rappeler que les archives représentaient en 2013 plus de 81 millions de connexions sur les sites internet des services publics d’archives pour plus de 2,3 milliards de pages de documents d’archives numérisés vues ! Et quel public ose ainsi s’intéresser à des choses aussi insignifiantes pour le gouvernement ? L’un des plus démocratisés du secteur patrimonial avec presqu’un internaute sur deux qui a un niveau scolaire inférieur ou égal au bac. Ces chiffres n’ont rien d’étonnant quand on voit les sondages d’opinion qui témoignent de la popularité de la généalogie : un Français sur deux aurait déjà mené des recherches généalogiques.

Comment ne pas être en plus interloqué par la contradiction entre cette décision gouvernementale et le succès des commémorations du Centenaire de la guerre 14-18 auxquelles les services d’archives ont contribué activement et auxquelles le président de la République a attaché toute son attention (ouverture du Grand Mémorial, expositions partout sur le territoire, Grande Collecte) ?

Qu’elle soit grande ou petite, l’Histoire ne se fait pas sans source. Serait-il compliqué pour nos élites de comprendre en quoi, par exemple, le développement de l’archivage électronique aujourd’hui est un préalable pour écrire l’histoire de notre Nation pour les siècles à venir ?

Pour toutes ces raisons, la section Archives de la CFDT-Culture demande le retour des dispositions relatives aux archives dans le projet de loi LCAP, en concertation avec le réseau des professionnels des archives. Elle le fera savoir aux représentants du ministère de la Culture lors du CTM du 4 juin 2015.

CFDT-Culture, section Archives 1er juin 2015

(1) Le projet de loi LCAP s’est diffusé récemment dans la presse et est disponible à l’adresse suivante: http://www.numerama.com/magazine/33232-le-projet-de-loi-sur-la-liberte-de-la-creation-architecture-et-patrimoine.html