Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les employeurs publics,
Les attaques meurtrières du vendredi 13 novembre ont frappé Paris et par là même toute la France : 130 morts et des centaines de blessés, des familles meurtries dans un carnage sans nom, ignominieux, inhumain.
La CFDT veut redire ici l’émotion et l’indignation qu’elle a ressenties face à ces lâches agressions. Mais elle veut aussi redire sa certitude que la démocratie ne pliera pas et que nous ne cèderons rien à la terreur, surtout pas nos réflexes d’humanité, surtout pas nos valeurs républicaines.
Il nous faut saluer ici la mobilisation spontanée de tous ceux qui ont proposé leur aide, accueilli des rescapés – et la mobilisation des agents des services publics : équipes de sécurité – policiers, douaniers ou pompiers pour protéger la population – équipes des établissements hospitaliers pour soigner les victimes ou personnels d’éducation pour parler avec leurs élèves, avec leurs étudiants et trouver les mots qui apaisent et rassurent après tant de barbarie.
Mercredi dernier à Saint Denis, des policiers blessés, hier à Toulon, un douanier abattu : des agents qui ont fait ce qu’ils doivent faire – rendre le service public pour tous les citoyens sur tout le territoire – dans des circonstances exceptionnelles pour garantir la sécurité des citoyens et prévenir de nouveaux actes de terrorisme comme dans le quotidien ordinaire.
La CFDT entend l’état d’urgence qui offre un cadre d’exception temporaire nécessaire pour faire face aux menaces imminentes. Mais, bien que nous n’ayons pas d’inquiétudes a priori, un suivi est nécessaire pour en garantir le bon usage car cet état d’urgence aura des conséquences sur les libertés publiques et sur les agents publics.
Le Président de la République s’est engagé à créer 8 500 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes, de douaniers et d’agents de l’administration pénitentiaire au bénéfice des services de lutte contre le terrorisme, à la police aux frontières et à la sécurisation générale du pays. La CFDT mesure la portée de cette annonce mais elle s’interroge et vous interroge, Madame la Ministre, sur l’impact qu’elle pourrait avoir sur les effectifs globaux d’agents de la Fonction publique, particulièrement dans les ministères, chez les opérateurs publics, dans les établissements publics de santé qui sont déjà très touchés par les réductions d’effectifs et la précarisation de l’emploi et que tout effort supplémentaire rendrait incapables de remplir leurs missions.
Aujourd’hui combien dérisoires paraissent ces attaques répétées contre les fonctionnaires : trop payés, mal payés, trop nombreux, pas assez efficaces. Sans oublier la récente baisse du capital décès ni l’amendement du Sénat au PLFSS pour introduire trois jours de carence dans la Fonction publique hospitalière. Attaques dérisoires mais que la CFDT juge insupportables quel qu’en soit l’origine.
Pour la CFDT, la Fonction publique n’est pas un coût. C’est une richesse, une richesse qu’il faut savoir défendre et une richesse qu’il faut reconnaître haut et fort.
Cette reconnaissance, nous l’avons revendiquée tout au long de la négociation sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR). Nous nous y sommes impliqués en inscrivant nos exigences dans une double perspective : redonner de l’attractivité aux métiers et carrières de la Fonction publique et reconnaître pleinement les compétences et qualifications des agents qui y travaillent. À chaque séance de discussions, la CFDT a défendu le droit des agents : droit à des parcours professionnels plus simples et plus lisibles, droit à des grilles indiciaires respectueuses des niveaux de recrutement et de la nature des missions exercées, droit à des déroulements de carrière qui tiennent compte de l’ancienneté et de la montée en compétence.
La CFDT a fait le choix de signer le projet d’accord, comme cinq autres organisations représentatives à la Fonction publique. Et elle regrette que cet accord n’ait pu être majoritaire.
Car la décision prise au final par le Gouvernement de l’appliquer en dépit des clauses de validité
prévues par la loi ne correspond pas à ce que porte la CFDT pour un dialogue social de qualité.
Mais quand l’intérêt des agents est en jeu, la CFDT est capable de faire la part des choses : déplorer la méthode tout en privilégiant le fond et en prenant acte des annonces sur la mise en œuvre du dispositif.
Il n’y a pas d’accord majoritaire, il n’y aura pas de comité de suivi. Mais puisque le Premier ministre a promis la déclinaison de chacune des mesures d’un protocole, fruit d’une négociation dont nous n’avons pas peur de dire qu’elle nous doit beaucoup, la CFDT attend avec impatience que le dialogue reprenne.
Dans la perspective d’une première étape au début de l’année 2016, le besoin est urgent d’un calendrier de mise en œuvre. Tout comme s’avèrent urgentes la transposition des grilles indiciaires à l’ensemble des corps et cadres d’emploi et l’avancée de la réflexion sur les parcours professionnels, en termes d’attractivité des territoires ou de recrutement sans concours.
La CFDT entend prendre toute sa place dans le travail à venir qui sera considérable, tant pour les organisations syndicales que pour les équipes de l’Administration que nous remercions.
Et d’ores et déjà, nous retenons l’échéance d’une négociation salariale dès février 2016 pour en finir avec le gel du point d’indice : une évolution que tous les personnels de la Fonction publique attendent depuis plus de cinq ans, une évolution qui donnera de la consistance à vos propos, Madame la Ministre, et à ceux du Premier Ministre sur l’engagement sans faille des agents publics, une évolution qui est indispensable pour garantir l’effectivité des mesures de revalorisation des carrières.
Les suites à donner au protocole PPCR occuperont une grande part de l’agenda social 2016. Pour autant, d’autres sujets d’importance sont à y inscrire, certains que vous avez d’ailleurs cités dans vos propos liminaires :
- La prévention de la pénibilité pour tous les agents et les modalités de sa réparation pour toutes celles et ceux qui ne relèvent pas d’un dispositif de carrières actives et cela passe par sa traduction dans un compte personnel de pénibilité ;
- L’ouverture d’une négociation sur la formation initiale et continue des agents, intégrant la mise en place d’un compte personnel de formation ;
- La réflexion à laquelle le gouvernement s’est engagé lors de la dernière conférence sociale d’une traduction du compte personnel d’activité dans la Fonction publique et dont les deux comptes précédents fourniront la trame ;
- La mise en œuvre enfin d’une protection sociale complémentaire pour tous, financée à
hauteur d’au moins 50 % par les employeurs publics.
Et la CFDT rappelle sa demande d’un bilan de la portée et des limites des dispositions de la loi de
2010 portant rénovation du dialogue social dans la Fonction publique. Un bilan sans concession ni a priori, prélude à une réflexion d’ampleur sur la place de la négociation dans le secteur public et sur la capacité des acteurs à en faire un outil pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des agents tout autant qu’un instrument d’amélioration de la qualité du service public.
Le dialogue social aurait dû être au cœur de la réforme de la réorganisation territoriale de la République, cette réforme dont la CFDT dit qu’elle pourrait être une opportunité pour les territoires et leurs habitants à trois conditions
- le souci de l’équilibre entre les territoires et à l’intérieur de chaque territoire,
- le respect de la démocratie sociale au travers d’un dialogue territorial riche et organisé,
- l’écoute des agents dans le cadre des restructurations.
Aujourd’hui, c’est l’inquiétude qui domine parmi les personnels de la Fonction publique de l’État, de la Fonction publique territoriale, de la Fonction publique hospitalière. Tous sont concernés par la mise en place de la réforme et tous nous font remonter leur certitude que le dialogue social n’est pas à la hauteur des enjeux, voire qu’il est inexistant, et que le temps nécessaire à l’appropriation de la réforme n’a pas été pris.
Un point parmi tant d’autres : la différence de traitement au regard de la compensation de la mobilité géographique entre agents de la FPT et agents de la FPE. Les critères d’attribution sont différents, les montants sont différents alors même que les impacts sur les personnels et leurs familles seront identiques. Un minimum de concertation préalable aurait permis d’éviter une telle distorsion.
Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs les employeurs publics, la précipitation et la marche forcée ne font pas bon ménage avec la réussite d’une réforme. Nous le savons depuis longtemps, nous vous le disons depuis longtemps et nous n’acceptons pas qu’aujourd’hui encore, la réorganisation qui se met en place se fasse sans les agents ou qui pis est, leur donne l’impression qu’elle se fait contre eux.
Télécharger la déclaration de la CFDT-FP : CCFP du mardi 24 novembre 2015 : intervention de la CFDT