Aujourd’hui mardi 3 mai 2016 s’est tenu le Conseil supérieur des Archives. Voici la déclaration que la CFDT Culture aurait aimé pouvoir y lire.
Dans notre message du 19 février dernier, intitulé « Madame la ministre, quelle politique pour les archives ? », la CFDT-Culture, section Archives, insistait sur l’urgente nécessité, plusieurs fois rappelée aux tutelles, et notamment au Service interministériel des Archives de France, de convoquer le Conseil supérieur des archives. Cette instance, abandonnée depuis 2013, devrait être pourtant l’espace de dialogue le plus à même de traiter de sujets dont personne ne pourra contester l’intérêt public, particulièrement au regard de l’actualité, où les exigences de transparence démocratique et le calendrier législatif impliquent fortement les archives.
C’est aujourd’hui chose faite, et nous nous réjouissons que l’administration ait pu réunir cette assemblée, comme cela est d’ailleurs prévu dans son arrêté de création.
Nous souhaitons ainsi rappeler en préambule que les questions sont nombreuses et que leur nombre n’a pas diminué depuis 3 ans, bien au contraire. L’inquiétude du réseau des services publics d’archives sur son avenir est grande et de nombreuses ombres sont venues s’ajouter à un tableau qui ne brillait déjà pas par son optimisme.
Réformes législatives et conséquences sur les archives
Revenons d’abord sur les lois. Rappelons que le projet de loi LCAP avait – entre autres – pour origine une volonté de réforme de la loi de 2008 sur les archives, et plus particulièrement la révision des délais de communicabilité des archives et la légalisation des mutualisations pour l’archivage électronique. Nous en sommes loin, et les amendements n’ont répondu que très partiellement à nos attentes.
Les archives seront également concernées par la loi « numérique ». La petite loi maintient le dispositif antérieur, dérogatoire pour les services publiques d’archives, concernant la publication systématique des documents numérisés. La levée de boucliers qui a abouti à cette saine disposition a été portée, notamment par les associations de professionnels, nos collègues étant confrontés à des charges humaines et financières que l’État lui-même et, surtout, les collectivités ont de plus en plus de difficultés à supporter, difficultés renforcées par le désengagement toujours plus important de l’État, malgré les obligations régaliennes et citoyennes qui en découlent.
Une autre loi a des répercussions sur les archives : la loi NOTRe. Cette réforme a des conséquences indéniables sur les versements d’archives publiques effectués par les services déconcentrés de l’État : quels sont les moyens humains alloués pour accompagner ces mutations ? Quelle place aussi pour les Archives départementales dans la nouvelle organisation de la République, notamment pour les services situés dans les chefs-lieux de région ? Là encore les archivistes publics ont souvent l’impression d’être délaissés par l’État dans un contexte difficile pour les collectivités pour qui les archives ne sont pas une priorité.
Un réseau de services publics d’archives en cours de fragilisation
Ces menaces, pesant sur un réseau territorialement dense et garant d’une démocratie à l’échelle nationale, ne trouvent malheureusement pas de réponse suffisamment forte auprès de l’administration censée le défendre.
Et, faute de soutien suffisant de l’État, dans ce contexte d’incertitudes sur l’implication des conseils départementaux, les programmes immobiliers pour les archives en témoignent. La conservation des archives à venir est ainsi clairement hypothéquée. Quel soutien offre notre ministère aux services d’Archives départementales, sachant qu’une grande partie de leurs fonds émanent de l’État et de ses services déconcentrés ?
Le ministère est particulièrement sensible à l’action éducative et culturelle. Nous ne reviendrons pas sur les difficultés des services éducatifs, nous l’avons déjà fait et nous attendons des réponses. Nous pourrions en revanche pointer le dangereux inversement de la pyramide des âges qui touche les archivistes publics, toutes catégories confondues, et nous inquiéter du faible nombre de recrutements, tant conservateurs que chargés d’études ou secrétaires de documentation, qui peine à compenser les départs en retraite et laisse aujourd’hui de nombreux services dans l’impossibilité d’accomplir leurs missions, avec des conséquences assez facilement imaginables sur les conditions de travail. À défaut d’avoir eu communication de chiffres précis sur les départs, apparemment très difficiles à établir pour quelques centaines de personnes, nous pouvons nous baser sur les postes vacants de la bourse interministérielle de l’emploi public, qui ne prend par ailleurs pas en compte ceux qui ont été, tout bonnement, supprimés.
Les personnels de l’État mis à disposition dans les Archives départementales sont les premières victimes de ces non-renouvellements, et nous ne pouvons ici que saluer leur dévouement et leur sens du service public, alors que la place de leur service dans l’organigramme de la préfecture et dans celui de la collectivité territoriale d’accueil est souvent remise en cause, et que le manque de reconnaissance par le SIAF pour ceux qui ne sont pas chefs de service est récurrent. Ces suppressions de postes font en tout état de cause planer une menace sur la pérennité d’un réseau issu de la Révolution française et hypothèquent la conduite d’une politique archivistique d’envergure nationale.
Trois services à compétence nationale en crise
Situation critique également que celle des trois services à compétence nationale situés sous l’autorité directe de la ministre, services qui traversent actuellement chacun une grave crise :
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les Archives nationales (Paris-Pierrefitte-Fontainebleau), confrontées à la fermeture préventive, décidée voilà maintenant plus de deux ans, du site de Fontainebleau, et à un projet immobilier qui fragilise le site de Paris dans sa capacité de collecte, de conservation et de communication des archives au public ;
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les Archives nationales d’outre-mer (Aix-en-Provence), qui connaissent d’importants dysfonctionnements internes ;
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les Archives nationales du monde du travail (Roubaix), confrontées depuis trop longtemps à un manque de moyens, notamment humains, et dont la place dans le réseau des services publics d’archives en France doit être affirmée et précisée.
Sur ces trois dossiers, le silence de votre ministère permet de douter de la sincérité de son investissement en faveur des archives. À travers la fermeture du site de Fontainebleau, il atteint également les administrations versantes et les citoyens, qui ne peuvent faire valoir leurs droits (retraite, nationalité), et discrédite les Archives nationales comme institution de collecte et de conservation du patrimoine archivistique national. Nous attendons donc de votre part un engagement fort et des décisions rapides permettant d’assurer à ces trois services les moyens de remplir leurs missions sur le long terme.
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Voilà donc un bref résumé des sujets que nous aurions souhaité évoquer aujourd’hui dans cette instance… Son ordre du jour et surtout la volonté manifeste de son nouveau président, Jean-Louis Debré, de ne pas accorder la parole aux représentants des personnels des archives n’ont toutefois, et nous le regrettons, pas permis d’ouvrir ce dialogue.
Rappelons que l’article 2 de l’arrêté portant création du CSA dans sa version consolidée du 27 avril 2016 prévoit la consultation du CSA sur « la politique du ministre chargé de la culture en matière d’archives publiques et privées ». Or les sujets évoqués plus haut relèvent à nos yeux de ce périmètre.
Nous prenons acte des propos tenus en ouverture par la ministre concernant en particulier l’avenir des implantations des Archives nationales (Fontainebleau et Paris) et les défis auxquels le réseau des archives publiques est confronté (saturation, réforme territoriale). La ministre a ainsi rappelé la nécessité d’associer les organisations syndicales aux décisions qui devront être prises.
Nous regrettons que des deux autres SCN, seules les ANOM aient été clairement mentionnées, uniquement sous l’angle de la politique de la « paix des mémoires ». Les ANMT, quant à elles, n’ont eu droit qu’à une vague allusion.
Si nous nous réjouissions au début de notre propos que ce Conseil soit enfin réuni, nous ne pouvons que douter des résultats qui en découleront, si son président devait continuer de confisquer la parole au détriment d’un dialogue constructif et de la « force d’une parole libre ».
CFDT-CULTURE, section Archives
Paris, le 3 mai 2016
Télécharger le communiqué : CFDT-Culture : la non-déclaration au CSA du 3 mai 2016