Les personnels de l’ANLCI, du CIEP et de la DGLFLF ont enfin pris connaissance, via le site internet du gouvernement, du Rapport LEPAON pour la création d’une agence nationale de la langue française pour la cohésion sociale, rapport qu’ils réclamaient depuis plusieurs semaines. Les personnels et leurs organisations syndicales s’élèvent contre les procédés et les conclusions de ce rapport.
Les personnels ont découvrent, en annexe du rapport, que Thierry Lepaon s’est vu attribuer, par une lettre de mission datée du 8 novembre 2016, la création de cette agence au plus tard en février 2017, sur la base de scénarios qui témoignent une nouvelle fois, après les déclarations de presse du rapporteur, de la méconnaissance des métiers et missions des trois structures.
L’agence aurait ainsi pour socle les activités du CIEP dont le rapporteur proposait ni plus ni moins le changement de dénomination dès l’adoption de la loi « liberté et citoyenneté », le 22 décembre dernier ! Y fusionneraient ensuite l’ANLCI et la DGLFLF. Nous nous élevons contre ce mépris des personnels, professionnels qualifiés de « technocratiques et corporatistes » par le rapporteur. Ces termes empruntés à une rhétorique d’actualité dénigrant les agents des services publics marquent un profond mépris de leurs engagements et des missions qu’ils assurent avec réussite, comme le témoignent tous les partenaires de ces structures.
Le CIEP, opérateur public de coopération internationale éducative et linguistique, agit depuis 1945 en faveur du développement des systèmes éducatifs notamment des pays les plus pauvres, du primaire à l’enseignement supérieur, au-delà des seules questions linguistiques, avec le ministère des Affaires étrangères et du développement international, l’Agence française de développement et de nombreuses organisations internationales mobilisées en faveur des Objectifs du développement durable. Ces réalités historiques, institutionnelles et stratégiques sont totalement ignorées et occultées par le rapport.
L’ANLCI agit depuis 16 ans avec une méthode travail reposant sur la prise en compte de la réalité des situations vécues par les personnes confrontées à l’illettrisme, sur la coordination de moyens très éclatés, sur la capacité à fédérer des décideurs et acteurs aux sensibilités et responsabilités très différentes qui acceptent de se rassembler sous son impulsion pour trouver des solutions tant au niveau national qu’au niveau régional. C’est avec eux et pour eux que l’ANLCI a pu produire ce qui manquait pour que l’action se développe et obtenir des résultats : le taux d’illettrisme a reculé de deux points entre 2004 et 2012. Le rapport passe allégrement sous silence l’efficacité de cette méthode et la baisse significative du taux d’illettrisme. Très curieusement, il omet de préciser que grâce à la mobilisation de tous les partenaires fédérés par l’ANLCI, la lutte contre l’illettrisme a été déclarée grande cause nationale en 2013 par le Premier Ministre et que des orientations stratégiques claires ont été fixées conjointement par le Gouvernement, les régions et les partenaires sociaux pour que l’illettrisme poursuive son recul d’ici 2018.
Concernant la DGLFLF, le 28 octobre dernier, face à la pression intersyndicale locale, le cabinet de la ministre a organisé en urgence une réunion d’information avec les représentants des organisations syndicales et les agents… pour indiquer qu’ils n’avait lui-même aucune information sur ce rapport, sur la façon dont il avait été porté par le délégué et sur les suites que comptait donner le Premier ministre d’alors. Depuis la mise en ligne du rapport, il n’y a eu aucune réaction… La méconnaissance des missions de la DGLFLF est manifeste. Depuis 1539 (édit de Villers-Cotterêts), la politique du français est au cœur de l’État : la confier, non plus à un service d’État -la délégation générale à la langue française et aux langues de France- mais à une agence constituerait de ce point de vue un recul significatif. Depuis 2001, la DGLFLF, jusqu’alors chargée de coordonner et d’orienter la politique du français, est chargée de conduire une politique linguistique intégrant la diversité des langues parlées dans notre pays, en particulier les langues régionales, qui font partie du patrimoine linguistique de la France aux termes de l’article 75-1 de la Constitution. Renoncer à cette construction politique et institutionnelle, unique en Europe, serait interprété comme un affaiblissement de l’État dans la conduite d’une politique interministérielle au service de la cohésion sociale et de notre influence dans le monde.
Notre premier communiqué syndical n’a donné lieu à aucune réaction de la part du rapporteur ni des services du Premier ministre. Seules les OS du ministère de la Culture ont été reçues par le cabinet de la ministre mais aucune organisation n’a été reçue à ce jour par les services du Premier ministre, actuel ou précédent.
Avec le changement de Premier ministre au mois de décembre, nous devons savoir ce que va devenir cette mission confiée, sans aucune concertation, à Thierry Lepaon, en particulier il est impératif d’avoir très vite un éclairage sur le calendrier « au-pas-de-charge » proposé dans son rapport.
L’absence totale de concertation, la méconnaissance manifeste des missions des entités concernées, la négation du travail accompli depuis de longues années, doit inciter le nouveau Premier ministre à revoir complètement l’objet même de la mission de monsieur Lepaon et mettre en cause –ou a minima en discussion- les résultats et le calendrier du rapport.
Il est de la responsabilité du Premier ministre de lever rapidement l’anxiété générée depuis des mois par ce fameux rapport et de redonner aux personnels une visibilité quant à leur avenir professionnel et la continuité de leurs missions.
Nous demandons une nouvelle fois à être reçus dans les meilleurs délais par les services du Premier Ministre pour être tenus informés des intentions du gouvernement.
SGEN-CFDT, CFDT-CULTURE, CFDT-SYNAMI
Lyon, Paris et Sèvres, le 5 janvier 2017
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