Qu’est ce que la filière documentaire au ministère de la Culture ?
Cette filière regroupe environ 700 agents répartis en deux corps, un corps de catégorie A, les chargés d’études documentaires (ChED), et un corps de catégorie B, les secrétaires de documentation (Sec. Doc). Comptant un nombre restreint d’agents, cette filière n’en est pas moins présente dans tous les établissements relevant de l’action du ministère. Elle comprend trois spécialités : archivistique, documentation et régie d’œuvres.
Une pyramide des âges inversée
La majorité de nos collègues des deux corps a été recrutée dans les années 1980. Aujourd’hui, la pyramide des âges de cette filière s’est inversée : une base très étroite, s’élargissant progressivement pour atteindre un maximum dans les classes d’âge 50-60 ans.
Résultat : Nombreux et nombreuses sont les agents de cette filière qui feront valoir leurs droits à la retraite dans les prochaines années. Malgré les alertes syndicales récurrentes, portées notamment par la CFDT-Culture, le ministère a fait le choix d’un recrutement minimal, organisé tous les trois ou quatre ans seulement en moyenne (ChED : 2017 = 53 postes, 2011 = 31 postes, 2009 = 9 postes, 2006 = 10 postes ; concours de Sec. Doc. : 2011 = 17 postes, 2008 = 12 postes). En conséquence, depuis plusieurs années, les recrutements sont inévitablement inférieurs aux départs.
La CFDT-Culture réclame depuis longtemps, trop longtemps, la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) au ministère : dans la situation d’urgence absolue que connaît cette filière, il est en effet impératif d’anticiper un mouvement qui ne peut que s’amplifier au cours des quinze prochaines années.
Des modalités de recrutement confuses et inadaptées
Le concours de ChED, organisé cette année, propose 53 postes : 35 en externe, 18 en interne.
On peut tout d’abord se demander s’il s’agit d’un seul ou de deux concours : si les écrits du concours externe et interne se sont déroulés en même temps, il en va autrement des oraux. Les résultats du concours externe viennent d’être publiés, alors même que pour les internes admissibles, les épreuves orales auront lieu en septembre. Pourquoi un tel décalage ? Le choix des postes des externes aura-il lieu dès la rentrée, avant celui des internes (à l’inverse de la pratique jusqu’alors en vigueur) ? Nul ne le sait, et les informations les plus contradictoires circulent à ce sujet.
Les choix d’affectation devraient se faire sous la forme d’un « amphi ». Le but est de réunir les lauréats et de leur présenter la liste des postes à pourvoir. Aura-t-on un « amphi » unique (avec choix du poste par ordre de classement) ? Deux amphis distincts ? Mystère…
Les lauréats des concours seront affectés, comme à l’accoutumée, sans considération de spécialité. Conséquence mécanique, au bout de deux ou trois ans, parfois juste après leur titularisation, ils sont nombreux à demander une mutation plus en rapport avec leur profil professionnel, laissant leur poste à nouveau vacant, notamment dans les services où se posent des problèmes d’attractivité, tels que les Archives nationales ou les DRAC. Ainsi, aux Archives nationales, site de Pierrefitte, sur les 26 agents affectés en 2012-2013, seuls 10 sont aujourd’hui encore en poste ; aux Archives nationales du monde du travail, sur les 4 agents affectés en 2012-2013, presque tous sont aujourd’hui partis.
Sur les 35 lauréats du concours externe 2017, figureraient 8 archivistes seulement, alors qu’une dizaine de postes sont à pourvoir rien qu’aux Archives nationales, auxquels il faut ajouter tous les postes en Archives départementales.
Les mêmes causes ayant les mêmes effets, nul doute que les services se retrouveront, dans quelques années, dans la même indigence qu’avant le concours.
La CFDT-Culture exige que le ministère réfléchisse enfin sérieusement à cette problématique récurrente qui nuit à tous, agents et services et, au-delà, à l’exercice même de ses missions.
Les agents mis à disposition en Archives départementales : loin des yeux, loin du cœur
Les lois de décentralisation de 1982-1983 ont transféré les services d’Archives départementales (AD) aux Conseil départementaux (ex généraux), sous réserve de la mise à disposition par le ministère de la Culture d’agents des filières scientifique et documentaire.
Or la moindre démarche administrative relève, pour ces agents du ministère, du parcours du combattant : de l’obtention de la carte Culture au remboursement des frais de formation, en passant par les déclarations d’accident du travail, il leur faut naviguer entre leur collectivité de rattachement, la DRAC (gestionnaire RH de proximité, paraît-il), le Service interministériel des Archives de France (SIAF) et le Secrétariat général du ministère.
La convention de mise à disposition ne suffit plus, aujourd’hui, à régir les relations entre ces agents et leur collectivité : à l’heure actuelle, on ne sait plus qui peut / qui doit effectuer l’entretien professionnel des Sec. Doc. et ChED : le DAD ? Un autre agent des AD, qu’il soit État ou territorial ? Un agent de la collectivité non rattaché aux AD ? On attendrait du SIAF qu’il produise un « vade-mecum de l’agent mis à disposition ».
Ajoutons que les agents mis à disposition ne bénéficient pas d’une adresse dans le domaine Culture (@culture.gouv.fr), ni de compte Sémaphore, et évidemment n’apparaissent même pas dans les annuaires du ministère : tout un symbole, alors que ce ne serait une tâche ni insurmontable, ni coûteuse !
La CFDT-Culture n’a de cesse de demander que ces agents soient pris en compte de la même manière que leurs collègues du ministère. Elle attend que cessent les renvois type « patate chaude » d’un service à l’autre, et que la « délégation à la coordination et au pilotage des services publics d’archives » au sein du SIAF joue pleinement son rôle en faveur de ces agents.
Le RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) de la filière de documentation : une version a minima
N’ayant pas bénéficié de la revalorisation des primes appliquée à la filière administrative ou au corps des conservateurs en amont de la mise en place du RIFSEEP, cette filière peut être qualifiée de « parent pauvre » du ministère de la Culture, comme d’autres corps dits « métiers » propres à notre ministère. La CFDT-Culture a déploré maintes fois et continue de regretter que le ministère choisisse de gérer « par le bas » ses propres corps, répondant invariablement que la DGAFP ou le « Guichet unique » tout puissant n’acceptera jamais les revalorisations que nous réclamons. Cette politique de perdant a des conséquences désastreuses pour les agents de cette filière… Mais visiblement le ministère considère que se battre pour 700 agents n’en vaut pas la peine !
Résultat : Le RIFSEEP de ces deux corps sera donc fait a minima, à budget constant et sans revalorisation ; celles et ceux qui avaient espéré voir leurs primes revalorisées devront donc attendre des jours meilleurs. Il sera en outre susceptible d’engendrer des disparités de primes plus importantes qu’auparavant : pour rappel, et cela est valable pour tous les corps, si votre poste se voit moins bien coté que celui de votre voisin de bureau, qui fait pourtant le même travail que vous mais que la hiérarchie, dans sa grande sagesse, aura voulu mettre en valeur, vous ne serez pas classé dans le même groupe et, par voie de conséquence, vous n’aurez plus, à terme, le même régime de primes. Le SRH du ministère ayant choisi la négociation en mode silence, les représentants du personnel n’ont aucune visibilité sur les cotations proposées au-delà des groupes avec les intitulés (parfois farfelus) des postes.
Les promotions de grade et de corps
Les taux dits pro/pro : une négociation triennale à suivre de près
Ces taux de promotion de grade sont négociés tous les trois ans. Cet automne débutera la négociation triennale 2018-2020 pour la filière. Souhaitons que les taux favorables, appliqués dans certains corps administratifs, le soient également pour la filière documentaire… même s’il est peu probable d’atteindre des taux de l’ordre de 12 % de promotion de grade.
La clause de sauvegarde des corps
Ces clauses sont propres à chaque corps et permettent un débouché dans un corps supérieur. Par exemple, le débouché dit « naturel » des Sec. Doc. est le corps des ChED, et c’est là que les choses se corsent. Aujourd’hui, la classe exceptionnelle du corps des Sec. Doc. compte presque autant d’agents que la classe supérieure, alors que la clause de sauvegarde des corps, appliquée quand il n’y a pas de recrutement par concours, et qui concerne trois ou quatre postes par an seulement, ne permet pas de la désengorger par des promotions dans le corps des ChED.
La CFDT-Culture exige que le ministère saisisse la DGAFP au sujet du statut des ChED : il est nécessaire de revoir cette clause de sauvegarde à la hausse afin de permettre une plus large ouverture de ce corps aux Sec. Doc. par promotion au tour extérieur.
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Recrutements insuffisants, faiblesse du régime indemnitaire, promotions au compte-goutte… Les conséquences néfastes de cette « politique » de désengagement et d’abandon de la filière documentaire sont nombreuses pour les agents. Nous pourrions ajouter qu’en raison des « disparitions » régulières de postes publiés sur la BIEP, effectuer une mobilité devient de plus en plus compliqué et finit par relever de la course d’obstacles.
Le vieillissement de ces deux corps et l’absence de recrutement à hauteur des départs et des besoins, l’attractivité exercée par d’autres ministères, font que la filière documentaire du ministère se retrouve aujourd’hui en grand danger.
Les établissements et services culturels font aujourd’hui directement les frais de cette situation, pour peu que s’ajoutent des facteurs supplémentaires, tels que le manque d’attractivité de certains services. Dans les DRAC, la filière documentaire pâtit sévèrement de la désorganisation due à la réforme territoriale, comme en témoigne la fermeture, les uns après les autres, des centres d’information et de documentation (CID) faute de documentaliste pour les animer.
La CFDT-Culture considère qu’il est plus que temps de cesser de traiter la filière documentaire en parent pauvre de ce ministère. Il est nécessaire de mettre en œuvre une véritable politique volontariste en faveur d’une filière fondamentale de notre ministère.
Dans son discours d’ouverture du Comité technique ministériel (CTM) du 6 juillet dernier, la ministre de la Culture déclarait vouloir « réparer les injustices flagrantes » frappant les agents de son ministère. Sur ce sujet, passer des mots aux actes sera un excellent exercice de mise en pratique de la théorie exposée aux représentants du personnel.
La CFDT-CULTURE
Paris, le 25 juillet 2017
Télécharger le tract : CFDT-CULTURE – La filière Documentation au ministère de la Culture ou la gestion par l’oubli – 25 juillet 2017