La politique de la photographie dans la brume

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Le 1er juillet, paraissait au Journal officiel, l’arrêté modifiant l’organisation de la direction générale de la création artistique (DGCA)et créant une délégation à la photographie au sein de cette direction.

De délégation, cette structure n’en a que le nom. Ne comprenant que trois agents (dont le délégué) et un agent administratif qui partagera son temps entre la Délégation à la photographie et le Service des arts plastiques, cette délégation a la taille d’une mission : première originalité. Malheureusement, utiliser dans ce cas le terme de délégation est aussi un risque d’affaiblissement des autres délégations historiques (théâtre, musique, danse) car derrière un même mot se cache des réalités totalement différentes.

Cet arrêté vient entériner une décision prise à l’issue du comité technique d’administration centrale (CTAC) du Ministère de la culture et de la communication réuni le 21 avril 2017, soit deux jours avant le premier tour des élections présidentielles, pour donner – entre autres- son avis sur la création de cette « délégation à la photographie » au sein de la DGCA et ce, en remplacement de la Mission de la photographie créée par Frédéric Mitterrand en 2010.

Depuis des années et de manière opportuniste, nous l’avons encore constaté cette année, Arles, à l’occasion des Rencontres de la photographie est le lieu et l’unique moment où le Ministère communique sur la politique de la photographie. Il s’y sent donc contraint de faire des annonces dont la plupart passent par perte et profit, créant de l’espoir puis générant de nouvelles incertitudes dans un secteur déjà fortement malmené.

Cela a été le cas en juillet 2016 avec l’annonce de la « création imminente » de cette fameuse délégation de la photographie. Dès lors, la CFDT-CULTURE n’a cessé de dénoncer les manœuvres visant à faire disparaître des radars du ministère la Mission de la photographie et son bilan. Le travail des personnels a ainsi été régulièrement oublié, dénigré voire totalement nié.

Grâce à la constance et à la pugnacité de la CFDT-CULTURE, les instances ont fini par être consultées. Néanmoins, malgré les multiples réunions et plusieurs mois de dialogue de sourds au cours desquels l’administration ne bougea pas d’un iota, il ne nous sera pas permis de comprendre quels moyens le ministère allait mettre en œuvre pour rendre efficace la politique de la photographie.

Parmi les modifications soumises, lors du CTAC du 21 avril 2017, à l’arrêté d’organisation de la DGCA du juin 2015 notons celle qui créée cette délégation de la photographie à côté des autres délégations (théâtre, danse, musique), mais rattachée au directeur en charge du service des arts plastiques, mais hors de celui-ci !. Cette incongruité plaçant la photographie dont on connait la pluralité des pratiques et des usages comme composante des seuls arts plastiques…

Sur ce sujet comme sur d’autres et notamment sur les moyens mis en œuvre pour assurer une politique volontariste et efficace de la photographie dans l’ensemble des domaines concernés dont le patrimoine ou la question relative aux métiers et à la rémunération du secteur nous n’avons eu que de nébuleuses et vagues intentions. Rappelons qu’en 2010, à la suite d’une très large concertation, la Mission de la photographie, lors de sa création, hérita d’une feuille de route et d’une somme d’actions à entreprendre. Tout ce à quoi elle s’est attelée jusqu’à ce que l’intention politique disparaisse au point de la fragiliser dans son existence et dans son fonctionnement.

Par sa singularité et sa spécificité, la photographie peine à trouver sa place au sein du ministère de la Culture freinant ainsi la mise en œuvre d’une politique dans ce domaine. Créée au cabinet du ministre, la Mission de la photographie a été placée à la Direction générale des patrimoines (DGP) qui ne l’a jamais assumée avant d’être revendiquée par la DGCA.

Pour la CFDT-Culture, la photographie est un sujet transversal qui, pour être fortement porté politiquement dans ses différentes composantes embrasse chacune des trois directions métiers du ministère et aurait dû être placée auprès du Secrétariat général comme le sont tous les services pilotant les politiques transversales du ministère de la Culture.

La CFDT-Culture n’est pas opposée au principe d’une entité « photo », mais totalement hostile à son organisation et à son positionnement hiérarchique incohérent, qui pose les questions suivantes : lisibilité et organisation de la gouvernance, déséquilibre avec les autres délégations (théâtre, danse et musique) ; liens et articulations avec les services de la DGCA ; ambiguïté sur la notion d’arts visuels ; sous-effectif de la future mission.

La DGCA revendique la maitrise et l’exclusivité sur la politique de la photographie – en affichant une volonté d’en faire une priorité « numéro un » de la direction –, mais choisit un positionnement affaibli au sein de son organigramme… Cherchez l’erreur !

Les réelles motivations qui ont présidé à la création de cette nouvelle structure restent tout aussi floues. L’administration justifie ainsi le projet : « Les professionnels de la photographie, notamment les photographes, militent depuis longtemps pour la création d’une interface clairement identifiée au sein du MCC […] sans que celle-ci ne se substitue aux services […] ».

Rappelons que c’est pour ces mêmes raisons qu’a été créée, il y a sept ans, la Mission de la photographie. L’administration souffrirait-elle d’amnésie collective ?

Nous avons donc une Délégation à la photographie mal ficelée, voire incompréhensible dans son positionnement au sein de l’organigramme de la DGCA avec de vastes compétences – « la photographie dans toutes ses composantes » – et seulement trois agents pour en assurer la charge.

L’ambition affichée n’est donc pas au rendez-vous et la note rédigée pour expliciter le projet ne lèvera pas les doutes. Au contraire, elle démontre très fortement que la politique proposée se fera uniquement par le prisme de la DGCA : les trois directions sont certes mentionnées, mais comment vont-elles travailler, avec quels moyens humains, comment la DGCA gèrera les crédits normalement gérés par la DGP… Toutes ces questions sont restées sans réponses…

Pas vraiment sans réponse, soyons honnêtes. La directrice de la création artistique nous ayant expliqué qu’en définitive « les textes règlementaires ne servaient à rien » (sic) et que seule comptait la manière dont travaillaient les gens entre eux…. Certes… On appréciera la partie sur les textes règlementaires, mais surtout jamais la DGCA n’a été en capacité d’expliquer comment elle comptait travailler, avec qui et comment…

Que ce soit sur le cas des photojournalistes ou la politique patrimoniale, le flou est de rigueur !

Aujourd’hui, au deuxième jour des 48e Rencontres d’Arles, nous avons une part d’explication sur cet abandon partiel de la politique patrimoniale par le ministère ; celle-ci est tout simplement en passe d’être confiée à des acteurs extérieurs : un chargé de mission en charge du « repérage de la conservation et de la diffusion des photographies », mais aussi un « centre de conservation » -dont on ne connait pas encore la forme ni le périmètre-, voulu par la région Hauts-de-France et le maire d’Arles.

Pourquoi cette commande et pourquoi cet abandon ?

Quant au centre dont il semble qu’il aura vocation à accueillir de futures donations (??) s’inspire-t-il des propositions portées justement par la Mission de la Photographie quand il avait été envisagé d’adosser à l’École nationale supérieure de de la photographie d’Arles un tel centre de conservation et de recherche ?… Ce projet ambitieux devait permettre aux jeunes formés à l’école de travailler sur des fonds anciens dans un échange dynamique.

Aurélie Filippetti en son temps avait arbitré en la défaveur d’un tel projet au prétexte que les institutions qui accueillaient des fonds avaient un savoir-faire et qu’il n’était nul besoin de créer une nouvelle structure. La question de l’accueil des donations et autres acquisitions n’était pas résolue, la Mission comme d’autres acteurs du secteur dont les Établissements Publics et les services saturés en charge de cet accueil n’ont eu de cesse de le faire savoir …

Enfin, la vraie priorité pour la DGCA -on l’a bien compris- ce sont les photographes et plus particulièrement « les professionnels vivants ». C’est tout à fait louable, mais pas nouveau, en effet, c’était déjà au cœur des politiques photographiques souhaitées précédemment.

Au-delà de ces seules intentions, quels seront, en toute transparence, les moyens mis en œuvre pour répondre aux questions posées par un métier et une pratique en pleine mutation ? Aux besoins des centres d’art qui, sur le territoire, soutiennent, développent et promeuvent la photographie et soutiennent les photographes ?

Saborder un service pour en faire naitre un autre n’est jamais de bon augure. Aussi serons-nous attentifs à ce que les agents qui ont fait les frais de ce tour de passe-passe n’en soient pas les laissés-pour-compte.

La DGCA a clamé haut et fort qu’avec cette nouvelle délégation la photographie serait désormais clairement identifiée au ministère. De la Culture..

Pour qui regarde cela de l’extérieur, le positionnement de la photographie dans l’organigramme « matriciel » de la DGCA ressemble surtout à une excentricité digne d’Alice au Pays des Merveilles.

CFDT-Culture, le mercredi 5 juillet 2017

Télécharger le communiqué : CFDT-CULTURE – La politique de la photographie dans la brume.