Madame la ministre,
il y a un an vous présidiez votre premier comité technique ministériel (CTM) et depuis, comme à chaque fois que vous êtes présente, l’administration est là présente au grand complet… ou plutôt presque au grand complet.
Car nous ne pouvons pas manquer de remarquer que deux directeurs généraux (DG) -sur trois- sont absents : la directrice générale de la création artistique, et le directeur général des patrimoines.
Le candidat à la présidence avait clairement annoncé la couleur : les directeurs d’administration centrale dont les profils ne correspondaient pas à la politique qu’il souhaitait mener seraient « spoilés**». On peut s’interroger pourtant sur le mode opératoire dans ce ministère : des annonces par la presse, un défaut dans le calendrier qui crée des intérims.
Pour exister et construire des politiques culturelles, on a connu meilleure situation.
Pour la direction générale des Patrimoines, (DGP) le cas est même alarmant puisque depuis plusieurs mois, les postes de direction du Service interministériel des archives de France (SIAF) et du Service des musées de France (SMF) sont également vacants ; voire-comme le point d’indice- gelés.Il semblerait que nul choix ne saurait être fait sans la nomination d’un nouveau DG… Nous ne pouvons donc qu’espérer que sa nomination ne soit pas liée à la mise en œuvre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) au ministère, car dans ce cas, le temps risque de paraître singulièrement long. Nous n’ajouterons pas à ce périmètre le départ impromptu de la directrice de la Réunion des musées nationaux (RMN) mais ce secteur est sinistré. Pour la Direction générale de la création artistique (DGCA), rien n’a jamais été vraiment réglé et l’interim qui vient ne peut que nous alerter et nous alarmer.
Que vous souhaitiez changer les « têtes » de vos directions n’est pas interdit, et cela vous regarde. En revanche, la façon de faire, uniquement par voie de presse, est détestable et marque un mépris profond pour vos agents, quel que soit leur rang.
Par ailleurs, à ces départs intempestifs, vient s’ajouter la campagne littéralement diffamatoire menée par Stéphane Bern et à laquelle vous n’avez pas cru devoir mettre fin. Pas un mot, pas un tweet pour défendre l’action de ce ministère et de ses agents.
Et quand on apprend en prime -toujours par voie de presse- qu’une mission a été confiée à Philippe Bélaval pour mener une réflexion sur la politique publique du patrimoine et du fonctionnement de l’administration, cela dépasse l’entendement. Il suffit de se rappeler dans quel état l’actuel président du Centre des monuments nationaux (CMN) a laissé la DGP et de la vacuité des politiques publiques patrimoniales de cette période, quand elles n’étaient pas nocives, comme l’est aujourd’hui la gouvernance de l’établissement dont il a la charge, (et ce, malgré son autosatisfaction sur son bilan pare les pages des journaux).
Déshabiller le ministère ne peut être que nocif en particulier dans une période ou l’organisation même du ministère est remise en cause avec Action publique 2022 (AP22) et les réductions d’emploi qui l’accompagne.
À ce sujet, parallèlement aux travaux du comité, le Forum de l’action publique qui a recueilli les avis des usagers et des agents de la fonction publique (de novembre 2017 à mars 2018) n’a pas vraiment créé de surprise : cela a démontré le très grand attachement aux services publics des français et des françaises. Cela met également en avant les inquiétudes ou les réflexions que les organisations syndicales réformistes comme la nôtre soulignent ou partagent.
Sur AP22, si nous avons actuellement des réunions avec votre administration, nous avons toujours du mal – et nous l’avons régulièrement indiqué- à savoir ce que vous, au nom du gouvernement, souhaitez porter pour notre ministère et ses agents. Nous ne pouvons ici que nous étonner de la documentation qui nous a été fournie sur le point intitulé « Grands axes du plan de transformation ministériel » : en tout et pour tout deux pages dont une page blanche. C’est certes original, mais là encore, cela nous interroge sur la manière dont vous travaillez . Comment concevez-vous les politiques ministérielles, hormis dans des phases de réflexion et d’intuition ??
Le seul sujet où les choses ont avancé extrêmement vite c’est sur la responsabilisation des établissements publics….Cela a été tellement vite que dans le calendrier qui nous a été communiqué, la concertation est prévue… après la présentation en CTM du 25 septembre (qui depuis a été annulée).
Nos interrogations principales ont été posées lors des deux réunions : comment comptez vous garantir la mobilité et l’équité indemnitaire qui a déjà du mal à se mettre en œuvre dans ce ministère ? Quelles garanties dans un déroulement de carrière équitable pour les agents ? Toutes choses dont nous n’avons pas pu nous entretenir.
Le prétexte donné à cette mise en œuvre en mode accéléré, est que c’est un engagement que vous aviez pris lors du CTM du mois de décembre. Nous ne ferons pas ici la liste de tous vos engagements qui eux n’ont pas été tenus – ce serait long- sauf sur un d’entre eux : celui d’un dialogue social de qualité. Dire que nous en sommes éloignés suffira, car aujourd’hui plus personne n’est dupe.
Vous faites l’erreur classique et mille fois répétée de voir les représentants syndicaux comme un frein au changement alors que depuis fort longtemps la CFDT défend et œuvre pour l’accompagnement au changement, demande à ce que l’on réfléchisse de manière transversale à l’organisation du temps de travail.
Nos questions et nos interrogations ne visent pas à empêcher de réfléchir à faire évoluer le ministère – bien au contraire – mais à répondre aux inquiétudes légitimes des agents, puisque AP22 a été clairement annoncé comme un plan de suppression d’emplois. Nous attendons toujours de savoir comment sera organisé le travail dans le contexte de ces suppression de postes ? Supprimera-t-on des missions ? Seront-elles différemment réparties ? Comment éviter la perte de compétence ? Et là nous ne pouvons que – pour la énième fois- nous demander où en est la GPEC du ministère de la culture… quant à la commission GPRH, on se demande bien pourquoi on en a voté la création, celle-ci ne s’étant jamais réunie, elle va finir dans la liste des comités Théodule…
Sur le même sujet, nous attendons aussi toujours un plan informatique de grande ampleur, ou des propositions sur les parcours d’encadrement, en particulier pour les DRAC qui vont encore subir une énième réorganisation avec là encore des réductions d’emplois déguisées sous prétexte de suivre les préconisations du rapport de l’IGA, l’IGF et de l’IGAC… Là aussi la mise en œuvre à la vitesse de l’éclair pour faire disparaître les directions de pôles sans consultation locale est d’une violence sans nom.
Concernant les rémunérations, parler c’est moins bien qu’agir. Mais hélas lorsque vous agissez, en particulier sur la mobilisation des 9 millions d’euro, on ne peut que s’interroger sur l’avenir que vous portez pour les agents de ce ministère. Comme nous n’arrivons pas à nous faire entendre au ministère de la culture, nous avons décidé de mobiliser Olivier Dussopt à travers notre fédération de fonctionnaires, la CFDT Fonctions publiques, sur l’iniquité indemnitaire dont souffre et continuera de souffrir ce ministère à cause de vos choix, que nous avons contestés
On voit bien dans vos différentes décisions que vous êtes sur des positions extrêmement dogmatiques, qui se fondent sur des principes budgétaires et non de mise en œuvre de politiques publiques culturelles. Se faisant, vous ne permettez pas au ministère d’exister pour ses missions et ce qu’il porte de la cohésion nationale mais uniquement sur les économies budgétaires dictées une fois encore par des politiques qui n’ont rien à voir avec la culture. En un an de présence, vous aurez réussi ce tour de force d’avoir pratiqué une politique de la terre brûlée en dévastant ainsi notre ministère comme aux plus sombres heures de la RGPP. Bien triste anniversaire, pour lequel -en prime- vous osez tirer un bilan positif.
La CFDT-CULTURE, le 4 juillet 2018
Télécharger la déclaration de la CFDT-CULTURE : CFDT-CULTURE – Un bien triste non-anniversaire. Déclaration de la CFDT-CULTURE au Comité technique ministériel du 4 juillet 2018
*En technolang, on dit « spoilé » pour ne pas dire « viré »…
En dernière minute, communiquée par le cabinet de la ministre, vous trouverez sous le lien ci-dessous la lettre de mission de Philippe Bélaval qui va donc réfléchir pour « déterminer le niveau d’exercice optimal de chacune des compétences composant la politique patrimoniale afin de tendre à la plus grande efficacité« …
La bienséance nous empêche pour l’heure d’écrire la réaction exacte à la lecture de cette missive, nous ne manquerons pas de communiquer ultérieurement.