Notre ministère, plutôt que de mettre à niveau un écosystème libre et intéropérable, a fait le choix d’utiliser la licence d’Outlook de Microsoft, qui est l’un des GAFAM (Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft) dont on dénonce depuis au moins cinq ans les pratiques de captage des données et de profilage des utilisateurs.
Les dernières années incitent-elles vraiment à faire confiance aux GAFAM ? Il est dommage que le ministère ait choisi d’utiliser de l’argent public pour soutenir l’outil d’une firme privée américaine, dont la domination est déjà bien trop écrasante, plutôt que pour améliorer et mettre à niveau des logiciels que tout un chacun peut utiliser gratuitement et dont la gestion des données est bien plus saine d’un point de vue éthique.
Car, depuis les révélations sur la centralisation aux États-Unis des données transitant par les applications, via des portes dérobées que ces sociétés privées laissent délibérément ouvertes à l’administration américaine, bien des débats ont surgi sur la maîtrise de leurs données par les pays européens et leur souveraineté numérique. Tout récemment, le ministère de l’Intérieur n’a-t-il pas fait le choix d’une solution libre, Next Cloud, pour déployer son nuage de documents ?
À l’inverse, les derniers choix logiciels de notre ministère, certes imposés aux services informatiques par la ministre Azoulay pour d’obscures raisons, apparaissent totalement à contre-courant. Ils vont en opposition directe avec la circulaire du Premier ministre Jean-Marc Ayrault de 2012 qui donnait des orientations pour l’utilisation de logiciels libres dans l’administration. Pourtant issue de la même majorité politique, cette ministre a néanmoins commencé par inscrire l’installation de la suite bureautique de Microsoft. La coexistence de deux suites bureautiques aboutit à une hétérogénéité encore plus grande des données, avec la multiplication des données dans les formats de Microsoft, bien plus difficiles à préserver.
Du triptyque initial, il reste donc Firefox, dont nous espérons qu’il sera enfin mis à jour vers la nouvelle version stable ESR, afin d’améliorer sa compatibilité avec certains sites Web. Firefox est le dernier outil qui propose des solutions pour protéger les données personnelles des utilisateurs et qui cherche à respecter les standards internationaux du Web, tandis que Google, en situation de quasi-monopole avec Chrome, cherche au contraire à imposer ses propres standards. Firefox est un navigateur Web sûr, comme l’ont encore prouvé des tests récents de sécurité.
Triste signal envoyé par le ministère que de refuser de maintenir et enrichir des outils logiciels libres et indépendants. Peut-être aurait-il mieux valu dépenser moins d’argent pour former les agents à mieux utiliser des outils qui couvraient déjà l’essentiel de leurs besoins.
Triste situation de la sous-direction de systèmes d’information à qui l’on nie sa valeur ajoutée pour construire une politique informatique souveraine et à qui on ne semble pas donner les moyens de remplir des missions aussi essentielles que la mise à jour de logiciels incontournables ou propres aux métiers de la Culture. Car l’acquisition des licences de Microsoft Office a bien dû se faire au détriment d’autres applications.
Triste et inquiétant message envoyé par un ministère auparavant innovant et audacieux, et qui aujourd’hui se réfugie dans la facilité du propriétaire, au détriment de l’indépendance numérique, non seulement de l’administration française, mais aussi des citoyens.
La CFDT-CULTURE, Paris, le 13 décembre 2019
Télécharger l’épisode 2 : CFDT-Culture – Outlook : quel message nous envoie le ministère. Épisode 2, de la servitude volontaire. 10 décembre 2019
Télécharger l’épisode 1 : CFDT-Culture – Outlook : quel message nous envoie le ministère. Épisode 1, plus de complexité, moins d’efficacité. 6 décembre 2019