Le ministère de la culture au bord de l’abîme !
Déclaration au comité technique ministériel du 12 novembre 2020
Au moment où le monde de la Culture connaît une situation dramatique inédite due à la crise sanitaire, vous avez choisi de maintenir ce CTM qui doit examiner une nouvelle modification du décret relatif aux missions et à l’organisation de l’administration centrale du ministère.
Alors qu’une grande partie du monde culturel est à l’agonie, et ne se relèvera sans doute jamais de cette crise, le ministère poursuit donc son petit train-train de réformes !
La CFDT-CULTURE vous demande : à quoi cela-rime-t-il ?
Malgré vos engagements, le plan de transformation du ministère (PTM) n’a jamais cessé d’exister ni d’avancer ; il revient simplement, plus édulcoré, sous un nouveau vocable : l’OAC, pour Organisation de l’administration centrale !
Nous voici donc aujourd’hui, plus de dix années après la Révision générale des politiques publiques (RGPP) pour examiner ce décret. Que s’est-il passé de notable en matière de politiques culturelles pendant ces dix années ? À la lecture de ce nouveau projet, rien ! Ou si peu. Comment réécrire les textes sans faire état de la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) et la loi de la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ? Cet oubli, que nous souhaitons involontaire, pointe le manque de cohérence globale qui entoure cette démarche et surtout le manque de vision pour appréhender le monde de demain.
Rien dans ce projet ne permet réellement de mettre en adéquation les missions et l’organisation de l’administration centrale avec les changements profonds qu’ont connu et que connaissent les pratiques culturelles des Français depuis dix ans. Changements sociétaux, générationnels, sociologiques des publics de la culture portant pointés dans une étude « glaçante » du ministère quasiment passée sous silence…
Rien non plus sur les droits culturels dans les différents articles et particulièrement l’article 6 du projet de décret, droits pourtant inscrits dans les lois, preuve que rien dans ce projet n’est en adéquation avec la réalité sociale, culturelle et économique. Sensation étrange, pour l’ensemble des agents, de voir au fil des mois et des années le ministère se déconnecter de ses missions premières, au profit des différents plans comptables, moins pour le nombre d’agents que pour des moyens financiers disponibles.
La seule ébauche de changement, c’est la création de la nouvelle délégation générale « habitants, territoires, transmission ». Mais cette création se fait a minima, en dépouillant les directions métiers et le secrétariat général d’une partie de leurs effectifs.
Les questions de fond sur l’organisation générale du ministère ne sont pas traitées, ni même abordées malgré les constats du rapport de l’IGAC sur les effets de la RGPP. Aujourd’hui, le ministère et son administration centrale ont bien conscience que le ministère n’a plus les moyens humains suffisants pour coordonner l’action de ses différents services.
En cela, la modification de l’article 2 concernant le secrétariat général est très révélatrice de cet aveu d’impuissance. Là où le SG coordonnait l’action de l’ensemble des services, il n’exercera plus qu’une mission de coordination générale… Tout est dit : on observe, tout au long de la lecture du projet de décret, une dilution des actions et de leur responsabilité. Les nouveaux maître-mots sont désormais « coordination » et « transverses », sans que l’on comprenne vraiment qui conduit les politiques ou même les réflexions stratégiques, par exemple sur les systèmes d’information…
Toutefois, le ministère oublie que pour coordonner et faire travailler les agents en transversalité, il faut des femmes et des hommes en nombre suffisant et transformer l’organisation pyramidale et hiérarchique de notre ministère, pour lui donner une organisation plus « agile ». Des tentatives de travail en horizontalité ont été expérimentées en plusieurs endroits par les agents, mais sans résultat, parce qu’elles se heurtent toujours à la structure hiérarchique de nos administrations. On se demande où sont les résistances au changement…
Enfin, coordonner, mais coordonner quoi ? Car il faut aussi avoir des politiques à porter, et là, on voit bien que ce n’est plus le but de ce ministère ! Ce que nous redoutions, la dérive que nous dénoncions est aujourd’hui arrivée : nous sommes devenus une administration s’auto administrant et qui a perdu le sens de ses métiers, qui a perdu de vue le sens du service aux publics !
La CFDT-CULTURE s’interroge sur la pertinence et l’efficience du travail engagé. Le projet de décret présenté donne l’impression d’un projet sur la défensive, dont le but – que nous n’avons jamais bien pu appréhender- est même perdu par l’administration et votre cabinet ! Votre réforme, avant même d’être mise en œuvre est déjà à bout de souffle, car vide de sens .
La CFDT-CULTURE ne peut cautionner cette réforme au rabais, sans vision, même à court terme, et si pauvre de sens car ce que vous proposez met en péril le ministère lui-même.
Nous voyons la raison de cet échec dans l’absence, toujours plus frappante, d’écoute des agents et de prise en compte de ce qu’ils portent, directement ou par la voix de leurs représentants. Ni les agents, ni nous-mêmes ne sommes réfractaires au changement. Nous sommes en revanche opposés à la perte de sens de nos métiers, au manque de transparence et de respect dans notre travail quotidien, à la réduction trop forte des moyens humains et financiers qui nous est imposée.
Tout dans cette réforme met en lumière le manque de considération qui prédomine : course folle pour valider le décret, puis maintenant les arrêtés ; agents déplacés comme les pions sur un échiquier, munis de leur seule fiche de poste, sans avoir même le temps de réfléchir entre crise sanitaire et plan de relance ; le dialogue social qui n’est plus ni dialogue, ni social, mais seulement la marque du mépris des représentants élus (et vos dénégations n’y changeront rien, les faits parlent pour nous).
Pour la CFDT-CULTURE, le futur du ministère -s’il en a encore un dans votre esprit- s’inscrit dans un travail collectif de tous, à tous les niveaux, dans la volonté affirmée de maintenir et de développer un champ d’action ministériel toujours plus large et plus profond. La culture est -et doit rester- une des bases de notre démocratie, aujourd’hui plus que jamais, pour que demain ne soit pas un confinement des idées et de la liberté.
Et c’est pour cela que la CFDT-CULTURE se bat et se battra toujours pour empêcher le ministère et notre démocratie de sombrer dans l’abime
La CFDT-CULTURE, le 12 novembre 2020
Télécharger le communiqué : CFDT-CULTURE – Comité technique ministériel : déclaration de la CFDT-CULTURE. 12 novembre 2020