Non à la proposition de Stéphane Bern d’un secrétariat d’État au patrimoine !

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COMMUNIQUE DE PRESSE

Le Journal du Dimanche du 9 avril publie un entretien avec Monsieur Stéphane Bern, président de la mission « patrimoine en péril ». Ce dernier dresse un constat alarmant sur l’état du patrimoine rural, principalement sur les églises de campagne non protégées et suggère la création d’un Secrétariat d’État dédié au patrimoine, placé auprès du ministère du Tourisme.

La CFDT-CULTURE, tout en actant le sérieux de la question posée sur la transmission du patrimoine local, récuse la solution proposée. Monsieur Bern oublie que le tourisme est une compétence relevant désormais des collectivités territoriales. Ce qui subsiste de l’ancien ministère du tourisme est associé dans un secrétariat d’État avec les Petites et Moyennes Entreprises, le commerce et l’artisanat relevant du ministère de l’économie et des finances. À ce titre, son action vise à évaluer l’activité économique liée au tourisme, non de coordonner ou développer ce dernier.

Par ailleurs, la CFDT-CULTURE rappelle que Culture et Tourisme demeurent des compétences partagées entre collectivités publiques. Initialement pensée comme une aide au montage de financements croisés, cette absence de leadership s’avère à l’usage bien souvent comme un frein, chaque degré de collectivité attendant une prise d’initiative par les autres. Quoi qu’il en soit, en période de crise, Culture et patrimoine restent une variable d’ajustement des finances locales.

Il faut mentionner le transfert du Petit Patrimoine Rural Non Protégé (PPRNP) aux départements en 2007 qui reste sur un bilan mitigé, certains s’emparant du sujet, d’autres de la dotation … Il faut aussi garder en mémoire l’important effort du ministère de l’Intérieur qui, au titre de la dotation générale de fonctionnement, peut subventionner (et souvent le fait) les communes qui en font la demande pour la restauration de leur patrimoine non protégé. Au demeurant, la CFDT-CULTURE s’accorde avec M. Bern pour regretter l’absence d’une maîtrise d’œuvre spécialisée pour la restauration du patrimoine non protégé, ce qui conduit souvent à des catastrophes. Reste que monsieur Bern aurait pu citer l’action des agents du ministère de la Culture, en particulier des Unités Départementales de l’Architecture et du Patrimoine (UDAP), lesquelles, au plus près du terrain et malgré une baisse drastique de leurs effectifs, conseillent les élus y compris pour le patrimoine non protégé.

La CFDT-CULTURE rappelle que la question de la restauration est indissociable de celle de l’entretien des édifices. Un bon entretien régulier repousse les coûteuses restaurations, encore faut-il disposer du personnel adéquat ; la CFDT-CULTURE souligne l’absence de structuration administrative des petites collectivités en matière culturelle et de conduite des travaux, frein à la restauration de ce patrimoine ; ce point demeure sensible y compris pour le patrimoine protégé.

Enfin, le patrimoine ne se limite pas aux édifices construits anciens. Musées, archives, archéologie, architecture, urbanisme, bibliothèques, patrimoine immatériel sont autant de sujets d’études ; l’enjeu touristique n’est qu’une facette de la sauvegarde et de la valorisation des patrimoines, au même titre que la recherche ou la transmission qui ont elles aussi besoin d’être renforcées. La vision trop étriquée du patrimoine développée par M. Bern porte en germe des dommages pour l’ensemble du domaine.

Au demeurant, l’intervention de M. Bern met en lumière les oscillations mortifères du ministère de la Culture en matière de politique patrimoniale. Trop occupé à mordre sur les brisées du ministère de l’Éducation nationale en matière d’éducation artistique et culturelle, il néglige ses missions fondamentales en matière de patrimoine et reste enfermé dans une définition restrictive de son champ d’intervention, à savoir le patrimoine protégé. L’alerte lancée par M. Bern doit être entendue.

La CFDT-CULTURE rappelle les premières lignes de l’article 1 du décret 2017-1077 relatif aux attributions du ministère de la Culture : « Il conduit la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel dans toutes ses composantes (…) ». À ce titre, il est en droit d’affirmer sa compétence sur toutes les questions patrimoniales et demeure parfaitement habilité pour prendre la tête d’une mission d’inspection conjointe avec le ministère de l’Intérieur et le ministère de l’Économie et des Finances pour dresser le bilan exact de toutes les aides de l’État et des collectivités territoriales accordées à la sauvegarde du patrimoine monumental non protégé. En parallèle, le ministère de la Culture peut approfondir sa doctrine sur la prise en compte de ce patrimoine local, en s’inspirant de toutes les réflexions qu’il a collectées depuis plus de 50 ans, sans omettre les problématiques du portage de la maîtrise d’ouvrage dans les petites communes. Les régions qui ont recueilli les services régionaux de l’Inventaire général devraient être consultées.

La CFDT-CULTURE regrette la diarchie qui semble s’être instaurée autour de la sauvegarde du patrimoine entre le ministère de la Culture et la mission présidée par M. Bern. Elle dénonce depuis des années la dérive gestionnaire du ministère qui nuit à l’expertise de ses agents et favorise cette situation.

La CFDT-CULTURE demande à la Ministre d’affirmer son ambition politique et son autorité en matière de patrimoine.  Elle demande également l’octroi de moyens humains et financiers complémentaires au sein de ce ministère pour porter ces sujets.