Rapport de la Cour des comptes : c’est le pilote qui voit loin qui ne fera pas chavirer son bateau

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Nota : Pour faciliter la compréhension, on utilisera la dénomination « Archives nationales » pour l’ensemble constitué des trois SCN actuels, et les sigles AN (Archives nationales), ANOM (Archives nationales d’Outre-mer) et ANMT (Archives nationales du monde du travail) pour chacun des services pris séparément.

Dans son rapport du 2 février sur les « Archives nationales » – nous avons déjà fait savoir que cet intitulé était trompeur –,la Cour des comptes pointe le défaut de pilotage du ministère de la culture et plus particulièrement le manque de coordination de la part du Service interministériel des Archives de France (SIAF) dans la définition et la conduite de la politique archivistique.

D’une manière générale, la CFDT-Culture ne peut que souscrire à cette affirmation de la Cour. Ce déficit de pilotage est sensible dans le domaine scientifique comme dans celui des ressources humaines, et c’est l’ensemble du réseau des Archives en France qui en souffre : celui du SIAF (les « Missions » implantées dans les ministères), celui des Archives nationales, comme celui des Archives territoriales.

En ce qui concerne les trois services des Archives nationales, nous constatons que la Cour des comptes rejoint un constat amer que la CFDT-Culture faisait déjà en 2015 : les missions de chacun des services ne sont pas assez précisément définies, ce qui cause des chevauchements de compétences. Ainsi, la CFDT-Culture avait déjà alerté le ministère sur les empiétements entre Archives nationales et Archives nationales du monde du travail (ANMT). Quelle fut par exemple la réaction du responsable du SIAF lors de la signature en juin 2014 d’une convention entre les Archives nationales et la CGT pour le dépôt des archives de ses secrétaires généraux ? Aucune ; à croire que ce dernier – et accessoirement l’ancienne directrice des Archives nationales – a oublié que les syndicats font partie du « monde du travail » et qu’il existe des arrêtés ministériels régissant les missions respectives des deux services !

Aucune directive, aucun objectif annuel coordonné n’est donné ; la dernière réunion de coordination entre les trois services des Archives nationales et le SIAF remonte à… 2012 ! Aux Archives nationales d’Outremer (ANOM) et aux ANMT, la gestion des postes de direction est très relâchée, conduisant à des mois d’intérim plus ou moins organisé alors même que les vacances à venir sont connues des mois à l’avance ; le profil de ces postes est assimilé à une lettre de mission mais personne ne se soucie d’en vérifier l’exécution.

Ajoutons que les services des Archives nationales ne bénéficient pas d’une inspection métier régulière. Les ANMT ou les ANOM, elles, voient se succéder les inspections – souvent à la demande de la CFDT – et audits (5 au total en 15 ans pour les seules ANMT comme le souligne la Cour des comptes), sans que la situation semble véritablement s’améliorer, faute de décisions concrètes prises par le ministère, et ce malgré nos alertes répétées sur les problèmes multiples que cela génère.

Le contrôle scientifique et technique souffre d’une réduction drastique des postes dans les Missions des ministères, comme souligné par la Cour. De 31 agents en 1989, on est passé à 14 en 2010 et désormais à 11. Quand on compare ces chiffres à celui des opérateurs suivis, comme le fait la Cour, cela donne le vertige : 108 pour le ministère des Affaires sociales, 105 pour celui de la Culture…

Ce que n’évoque pas la Cour des comptes, c’est que cette situation de pénurie et de réduction drastique des effectifs affecte également le réseau des agents d’État mis à disposition des départements. Certains se retrouvent désormais pourvus d’un seul poste d’État, celui du directeur. Alors que plusieurs postes se sont libérés récemment, la prochaine CAP des conservateurs ne propose aucun poste d’adjoint. Quant au personnel de documentation mis à disposition, qu’il s’agisse des chargés d’études documentaires ou des secrétaires de documentation, les avis de vacances de poste en Archives départementales se caractérisent par leur… absence. Il est argumenté que ce serait faute de candidats. Il est vrai que les concours tels qu’ils sont organisés (ou non) au ministère de la Culture  empêchent toute reconstitution d’un vivier dans les filières scientifiques de l’État. Mais cherche-t-on vraiment à susciter des candidatures ? Par ailleurs, une grande disparité d’interprétation des dispositions des conventions de mise à disposition (notamment en ce qui concerne la prise en charge des frais de formation) fragilise la position de ces personnels et fait naître un sentiment de mal être. Le désengagement de l’État est patent en matière de patrimoine archivistique auprès des collectivités territoriales, le « réseau des Archives de France ».

S’ajoute à ces difficultés une gestion des ressources humaines peu lisible. On ne gère que la pénurie et sans travailler avec des critères rationnels ! Existe-t-il vraiment des critères objectifs de répartition des postes ? Est-il logique que l’on publie la vacance d’un poste scientifique d’un service national qui en possède 16 pour moins de 40 kilomètres linéaires, alors qu’on ne publie aucun poste pour un service départemental, conservant plus de 60 kilomètres, ne disposant que de 4 postes scientifiques et dont un poste de conservateur est supprimé de fait depuis plusieurs années ? Peut-on imaginer que le ministère de la Culture n’est toujours pas en capacité de mettre en place une Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEEC) ? C’est pourtant la réalité !

Ces manques graves de politique réelle et de stratégie du ministère de la culture et de la direction du SIAF dans le territoire ont déjà été dénoncés dans notre lettre ouverte à Audrey Azoulay le 2 novembre 2016, sans que cela suscite une quelconque réaction de sa part.

Au niveau national, on ne peut que déplorer le flou de la politique archivistique. La Cour regrette la disparition au sein du Conseil interministériel des Archives de France (CIAF) d’un représentant du ministère de la Justice, exclu de cette instance depuis 2012. La décision récente de ce dernier de remettre à l’Espagne les archives saisies en France sur l’organisation basque ETA aurait cependant grandement mérité une réflexion du CIAF ! A-t-on seulement pensé à consulter le SIAF sur cette décision ?

Surtout, quel étonnement de lire dans un article du Monde daté du 3 juin 2016, alors même qu’un « cadre méthodologique pour l’évaluation, la sélection et l’échantillonnage des archives publiques » a été publié en juillet 2014, une remarque du directeur chargé des Archives de France évoquant le fait que les services d’archives conserveraient trop de documents… De quelle « politique », de quelle intention, avouée ou non, cette remarque se fait-elle l’écho ?

L’un des relais de la politique ministérielle dans les services publics d’archives passe par l’inspection des patrimoines. Or, celle-ci est sous-utilisée par le SIAF, à tel point qu’elle paraît volontairement écartée de nombre de dossiers et missions de réflexion. Pourquoi une telle mise à l’écart ?

La Cour des comptes évoque enfin le nombre trop important à ses yeux de membres participant au Conseil supérieur des Archives (CSA) et propose d’en exclure les représentants du personnel. Nous nous opposons à cette option. Évincer les organisations syndicales de cette instance serait leur dénier le droit de discuter de stratégie et de politique globale, ce que nous ne pouvons accepter. Rappelons que depuis la réforme des instances du dialogue social de 2014 et la fin du Comité technique de la direction générale des Patrimoines, le CSA est le seul lieu où peuvent être valablement débattues les orientations de la politique archivistique et les questions intéressant les trois services des Archives nationales et le réseau des archives territoriales.

La CFDT-Culture demande qu’un véritable chantier de réflexion soit mené sur la gouvernance des Archives tant au plan national qu’à celui des territoires.

CFDT-Culture, section Archives
mardi 28 mars 2017

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