Aujourd’hui 13 mars 2018, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen présidait le premier Comité technique ministériel de 2018.
Elle a présenté, avec les directeurs et directrice d’administration centrale, ce que sera sa politique pour 2018. Sans surprise, le document du 3 novembre 2017, que nous avions appelé « Action secrète 2022 » qu’elle avait dit ne pas être la politique qu’elle développerait dans le cadre de la réforme voulue par le président de la République et le Premier ministre, est bien ce qui est porté aujourd’hui par le ministère. Le seul bémol est l’allongement de la concertation concernant les « archives essentielles ». En revanche, toutes les orientations politiques annoncées dans le document du 3 novembre prennent progressivement corps sans que les représentants des agents soient associés aux débats. L’administration considère que les réunions d’information qu’ils ont organisées suffisent au dialogue social… L’admnistration et la ministre s’obstinent à vouloir nous faire croire qu’il n’y aurait pas de différence entre information et concertation. Comble du pompon, le cabinet de la ministre en vient à nous additionner les heures de réunion pour démontrer combien ils sont attachés au dialogue social. Devons-nous en plus expliquer que quantité ne vaut pas qualité et que la méthode est aussi d’une extrême importance ? Le ministère de la Culture s’inscrit donc pleinement dans la conception présidentielle du rôle des organisations syndicales : « exprimez-vous (si vraiment vous y tenez) mais on fera ce qu’on veut ».
La CFDT-CULTURE avait préparé une déclaration en partant d’un des documents voulu par la ministre présenté au comité technique ministériel intitulé « Baromètre social ». Vous trouverez ci-dessous cette déclaration.
Madame la ministre,
Nous avons pris connaissance du contenu et des résultats du Baromètre social* réalisé par la société Kantar TNS.
Sans surprise, cette enquête met en lumière et conforte en tous points ce que la CFDT-CULTURE dénonce et porte depuis de nombreuses années devant tous et toutes les ministres qui se sont succédées, sans compter les secrétaires généraux…
Ce baromètre expose une série de « points », qui sont pour nous souvent qualifiés de dysfonctionnements et qui ont des conséquences plus que défavorables sur ce qu’il est difficile ici de qualifier de « qualité de vie au travail » tant ce concept est ignoré au ministère de la Culture. Parmi ces « points sensibles », on peut noter :
- un attachement, un engagement profond et un soutien fort aux missions que porte le ministère de la Culture, fierté d’y travailler. Mais cet investissement est grévé par des conditions de travail dégradées et une ambiance de travail peu satisfaisante voire mauvaise. Une charge de travail très voire trop importante qui rejaillit évidemment sur les vies personnelles, entraînant des situations de stress allant jusqu’aux burn out…
- l’absence de système de reconnaissance pour les personnels investis dans leur travail avec ou plutôt sans ou peu d’évolution de carrière, peu de promotion, niveau de primes insatisfaisant, etc. ;
- des outils informatiques obsolètes, un réseau poussif, des procédures d’un autre âge, avec des conditions de sécurité et de sûreté disproportionnées et/ou inadaptées ;
- des circuits de décisions flous et méconnus, une circulation de l’information nécessaire souvent pathogène, ainsi les agents vont fréquemment à la recherche des informations indispensables à la réalisation des tâches qui leur sont confiées ;
- le manque de communication entre les services est source de démobilisation. L’absence de priorités claires, des décisions prises par l’administration non suivies d’effet, une organisation du travail inefficace, une absence de vision prospective, une absence de moyens pour réaliser un travail de qualité, une absence de coopération entre les services, les directions, les établissements publics ;
- un déficit de compréhension des orientations stratégiques du ministère de la Culture,une absence de visibilité de celles-ci induisant une perte du sens du travail des agents.
- Que dire de la conduite du changement ? Conduite déplorable ou absence de conduite ? Le ministère en dix ans a empilé trois réformes structurantes (RGPP, réforme territoriale,LCAP…) sans faire d’accompagnement au changement auprès des agents, qu’ils soient encadrants ou non.
La question de l’égalité professionnelle fait évidemment parti des points négatifs. Le ressenti des agents est le reflet de la dure réalité où les femmes sont moins rémunérées que leurs collègues masculins et où les évolutions de carrière se font plus rares avec la conséquence finale à un accès plus difficile aux postes à responsabilités.
Cet inventaire est le reflet de ce que notre syndicat répète inlassablement devant les représentants de votre administration : en effet, les « principaux enseignements » listés des pages 39 à 44 ressemblent assez à nos tracts Les constats sont pesque les mêmes.
Et là se pose la question : qu’allez-vous faire de ce baromètre social ?
Nous ne pouvons nous empêcher de croiser ces données à la réforme en cours, action publique 2022 (AP22).
Là où nous nous souhaitons voir la possibilité d’une prise de conscience positive du ministère à se poser les questions qu’il évite depuis des années, à savoir parler d’organisation du travail, de rythmes de vie, de conciliation vie privée-vie professionnelle, de présentéisme, de rémunérations et de reconnaissance du travail, nous craignons que ce baromètre ne serve que vos projets de réforme -réduire le nombre d’agents publics- sans en tirer le moindre enseignement pour améliorer la vie des agents et des usagers.
On l’a déjà vu avec le document Action secrète 2022 du 3 novembre 2017, des constats faits par les organisations syndicales sont ainsi utilisés non pas pour trouver des solutions mais pour privatiser, pour non pas repenser l’organisation mais regrouper à tout-va et surtout à toute allure, et dans la seule logique qui prévaut, à savoir la logique budgétaire, et aussi beaucoup d’affichage médiatique et assez peu d’ambitions pour ce ministère et pour ses agents.
Vous ne cessez de répéter vouloir lutter contre ce que vous appelez la « ségrégation culturelle » en mettant en place votre « pass culture ». Vous insistez pour expliquer que ce n’est pas un gadget mais un outil. Soit.
Il n’empêche que la mise en place de cet « outil » demeure un flou pour les agents, entre autres ceux des DRAC et des DAC, pour preuve la déclaration des représentants CFDT-CGT-SUD de la DAC Guyane lors de votre déplacement la semaine dernière.
Vous dites vouloir réformer l’action publique en fluidifiant l’information, en étant au plus près des préoccupations des agents afin de donner plus de force à ce ministère. Mais ce que nous constatons, c’est bien le contraire.
Aujourd’hui, les grands oubliés de votre réforme en cours, ce sont bien les agents, les services et par « ruissellement », l’ensemble des usagers.
Ce baromètre ne doit pas vous servir pour appauvrir encore ce ministère en nombre d’agents, il doit être une base pour améliorer la qualité de vie au travail des agents, pour repenser les parcours et les évolutions de carrière, mais nous le répétons, ça ne passer pas par la réduction du nombre de postes de travail ou par des privatisations masquées.
Les résultats de l’enquête sur l’absence d’évolution de carrière -entre autre- devrait ainsi être le déclencheur pour la mise en place d’une GPEC dans ce ministère. L’urgence de ce sujet se fait toujours plus grande sans que la réponse ne change : « on y travaille » et sa variante « on y réfléchit ».
Un exemple parmi d’autre : les métiers d’art et plus spécifiquement les dentellières. L’Atelier du Puy n’est pas le plus gros service de ce ministère, elles sont 8, mais d’ici 2020 elles ne seront plus que 4. Or il faut quatre années pour former une dentellière. Le problème n’est pas nouveau et, si nous avons évoqué les dentelières, ce sujet touche l’ensemble des métiers d’art avec la spécificité de la multitude de spécialités – c’est notre richesse- et la difficulté à organiser des concours. Nous n’insisterons pas d’avantage sur ce point de la GPEC car nous évoquons ce sujet à chaque CTM depuis plusieurs années, mais c’est bien l’ensemble du ministère qui est concerné,
Pour terminer, nous souhaitons aujourd’hui savoir comment vous allez utilisé ce baromètre – nous ne doutons pas que vous nous répondre que ce sera au bénéfice des agents – nous nous interrogeons donc sur ce que vous pensez être le bénéfice des agents au-delà des grandes déclarations de principe.
Pour que les choses soient claires, la CFDT-CULTURE ne souhaite pas que cette étude appuie la réforme Action publique 2022, dont nous réfutons la méthode et le secret dans lequel elle se construit. Ce ne sont pas les réunions en format « speed dating » organisées sur ce sujet qui nous éclairent. Nous ne nous étendrons pas sur la conception du dialogue social que vous développez à l’instar du reste du gouvernement, mais cela n’est pas la meilleure méthode pour être à l’écoute des agents dont nous sommes les représentants mais que nous sommes aussi.
En conclusion, nous souhaitons savoir comment cette enquête sera restituée aux personnels, à ceux qui y ont répondu et à ceux qui n’ont pas souhaité le faire, et surtout quel usage vous allez véritablement faire de celle-ci ?
Si un plan d’action était prévu, il est bien entendu que celui-ci ne devra pas se construire sans les organisations syndicales, qui bien avant la société Kantar Tns, ont identifié aussi bien les points d’insatisfaction des agents que les lourds dysfonctionnements -dont les agents ne sont pas responsables- qui pèsent sur ce ministère.
La CFDT-CULTURE, le 13 mars 2018
Téléchargez la déclaration de la CFDT-CULTURE : CFDT-CULTURE – Baromètre social ou la chasse à la grenouille. Déclaration de la CFDT-CULTURE au Comité technique ministériel du 13 mars 2018
* Le secrétaire général du ministère ainsi que la conseillère sociale de la ministre ont indiqué ce jour que le « Baromètre » sera diffusé aux agents dès demain mercredi.