- L’examen du projet de loi sur la réforme des retraites à l’Assemblée nationale a débuté le 17 février. Prévu pour durer deux semaines, il devrait se prolonger vu les 41 000 amendements à passer en revue.
- Les récentes concertations ont permis une série d’avancées, mais la question de la pénibilité n’est pas résolue.
Depuis le début de la semaine, la réforme des retraites est entre les mains des députés… qui ont déjà prévu que leurs nuits seraient courtes. La stratégie d’obstruction parlementaire, revendiquée haut et fort par La France insoumise, a été plutôt efficace. La commission spéciale chargée de faire un premier tri des amendements n’a pas pu mener son travail dans le temps imparti. Les députés vont donc devoir reprendre le travail de zéro et examiner les quelque 41 000 amendements déposés. Le vote final (en première lecture), initialement programmé le 3 mars, devrait en toute logique être repoussé.
Deux projets de loi et 29 ordonnances prévues« Nous irons au bout de l’examen du texte et nous prendrons le temps qu’il faudra », a réaffirmé devant la presse le député du Val-de-Marne Guillaume Gouffier-Cha, l’un des rapporteurs du projet de loi, face à la rumeur insistante d’un gouvernement tenté par le 49-3 pour éviter des débats interminables avec l’opposition.
Le travail parlementaire s’annonce donc copieux. Deux projets de lois vont être examinés ; un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique. Le premier est constitué de 65 articles organisés en cinq titres qui détaille l’architecture juridique du système universel et précise les conditions d’acquisition, d’ouverture et de calcul des droits. Il décrit également les différents dispositifs de solidarité, l’architecture organisationnelle, son pilotage et son financement. Il prévoit enfin les modalités d’entrée en vigueur et de transition vers le système universel. Le second projet de loi (cinq articles) encadre le pilotage financier du système universel dans la Sécurité sociale et certaines dispositions nécessaires à l’unification à venir du système de retraite. Les décisions plus spécifiques, concernant principalement la période de transition qui doit organiser la convergence des 42 régimes actuels vers le régime universel, seront traitées ultérieurement en 29 ordonnances. Le temps, selon le gouvernement, de mener à bien les négociations sectorielles et de ne pas surcharger le travail parlementaire avec des mesures très techniques.
Par rapport au projet de loi examiné en Conseil des ministres le 24 janvier, le texte a évolué. Le changement le plus emblématique est, jusqu’à présent, l’abandon de l’âge pivot à 64 ans sous la pression de la CFDT. Cette mesure d’âge qui devait commencer à s’appliquer dès 2022 avait en effet soulevé un tollé tant elle était particulièrement injuste pour les salariés qui avaient commencé à travailler jeune et allaient se voir appliquer une décote à vie s’ils partaient à 62 ans. Sur ce sujet, le gouvernement a donc changé de pied et fait le choix d’entendre la proposition de la CFDT en convoquant une conférence de financement. Cette dernière doit proposer des pistes afin de garantir l’équilibre financier du système à l’horizon 2027. Le gouvernement a d’ailleurs déjà affirmé qu’il s’appuierait sur les conclusions de cette conférence pour amender le projet de loi en deuxième lecture. La première réunion de travail s’est déroulée le 18 février mais, à l’heure où nous mettons sous presse, il est impossible d’en dire plus.
Les concertations qui ont eu lieu entre l’adoption du projet de loi en Conseil des ministres et son examen à l’Assemblée ont également permis d’avancer sur différentes thématiques. Le gouvernement a présenté plusieurs mesures appréciées, notamment l’extension de la retraite progressive à la fonction publique, la création d’un dispositif de départ anticipé bénéficiant aux aides-soignantes ou encore un meilleur ciblage des points de solidarité en direction des mères (lire l’encadré).
Une mesure plus ciblée en faveur des mères Le projet prévoyait que chaque naissance donne lieu à l’attribution d’une majoration de pension de 5 % (attribuée par défaut à la mère mais pouvant être partagée). Le gouvernement propose à présent que la moitié de ces droits (2,5 %) soit attribuée obligatoirement à la mère au titre de la maternité, sans possibilité de partage. Les 2,5 % restants, accordés au titre de l’éducation de l’enfant, pourront être partagés entre les parents mais resteront, à défaut, attribués à la mère. « Cette mesure va dans le bon sens, souligne la secrétaire nationale Béatrice Lestic, mais elle reste trop timide face à la réalité des inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail et donc face aux écarts de pension que nous constatons aujourd’hui. » |
Pénibilité, le casse-tête
En revanche, la question de la pénibilité reste en suspens. Le gouvernement continue de renvoyer à des discussions ultérieures. « Il ne peut pas y avoir de réforme juste si nous ne trouvons pas une solution », a réaffirmé Laurent Berger en sortant d’une réunion à Matignon censée tirer le bilan des concertations, le 13 février. Pour sortir par le haut de ce bras de fer, la CFDT propose que la question des quatre critères de pénibilité non reconnus actuellement par le système soit renvoyée à des négociations dans les branches professionnelles. Mais cette proposition n’a de sens que si le projet de loi prévoit un dispositif supplétif (une sorte de mesure-balai) qui s’appliquerait si les branches ne parvenaient pas à trouver un accord. « Le patronat ne s’engagera dans une négociation que s’il y est contraint, résume Frédéric Sève, le secrétaire national chargé des retraites. Aujourd’hui, nous constatons que le Medef bloque toute initiative et que le gouvernement tergiverse. »