La transition écologique au ministère de la Culture : un sujet central, cinq chantiers à ouvrir

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Temps de crises écologiques

Environnement, écologie, climat, biodiversité, crise énergétique, inflation : les crises sont là et c’est toute notre société qui souffre. Dans un monde dégradé et devenu imprévisible, sommé de s’adapter au plus vite, les Français voient leur pouvoir d’achat diminuer, les inquiétudes s’accumuler, alors qu’il faut bien continuer à travailler comme si de rien n’était. Mais la crise sociale, elle aussi, est là.

Devant ce mur qui se dresse devant nous, le ministère de la Culture a l’obligation de prendre ses responsabilités, d’abord en accompagnant ses agents dans les difficultés qu’ils traversent déjà, ensuite en se posant face aux citoyens comme l’un des acteurs de première ligne dans l’engagement pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain.

Répondre aux défis : plus qu’un choix, une nécessité

Mais pour le ministère de la Culture, réagir n’est pas qu’un choix vertueux, c’est une nécessité : en raison de la profondeur des remises en question, c’est l’existence même des politiques culturelles qui peuvent se trouver menacées. Comment garantir l’ouverture des lieux de culture si les coûts de fonctionnement des salles ou de conservation dans les musées ou les archives deviennent hors de portée des acteurs publics, associatifs ou privés ? Comment poursuivre d’ambitieux programmes de préservation des patrimoines, bâtis, immatériels, archéologiques, ou la qualité de la conception architecturale, si l’urgence énergétique vient percuter, avec notamment la pose systématique de panneaux photovoltaïques, les politiques publiques de protection patrimoniale ?

Des chantiers majeurs à ouvrir

Aujourd’hui, la CFDT-CULTURE constate qu’une politique ambitieuse n’a pas encore trouvé sa place au ministère de la Culture, même si les priorités du Ministère sont certes déjà connues depuis la stratégie 2016-2020. Alors que tout le secteur est en marche et que les initiatives des acteurs se multiplient, la feuille de route du Ministère dédiée à la transition écologique en préparation, pourtant annoncée publiquement par la Ministre en septembre 2022, n’est toujours pas publiée. Au-delà de cette déclaration d’intention qu’il faut espérer voir un jour, l’indispensable transition écologique de la culture doit être menée en ouvrant des chantiers majeurs, dans une logique de transformation de notre organisation et de nos pratiques, en revoyant nos politiques publiques à l’aune des transitions qui s’imposent. Ce sont ces chantiers que la CFDT souhaite aujourd’hui voir ouvrir.

Premier chantier Faire de toute l’administration centrale une entité stratégique en matière de transition écologique de la Culture

Si le choix de confier l’ensemble des sujets liés à la transition écologique au Secrétariat général a eu, lorsqu’il s’agissait d’impulser un mouvement à toute l’administration, sa pertinence et un réel succès, il doit être aujourd’hui complètement revu : il faut d’une part s’appuyer sur les compétences réelles des directions métiers et d’autre part sur un engagement fort de la Ministre et de son cabinet.

La CFDT-CULTURE demande donc :

–   Que le Secrétariat général se concentre sur son vrai rôle d’administration support, en gérant les aspects techniques de la transition pour tout le périmètre Culture (stratégie immobilière, rénovations énergétiques, mobilités des agents, animation du dispositif « Services publics écoresponsables ») ;

–   Que chaque direction générale métier continue à s’emparer du sujet selon ses propres expertises et soit clairement chargée d’élaborer les préconisations, dispositifs et réglementations nécessaires, selon les métiers, en intégrant ces travaux dans ses plans de charge ;

–   Que le cabinet s’engage à la pérennité de son portage de ces politiques, au-delà de l’affichage d’une feuille de route toujours attendue, et en particulier dans des relations plus suivies avec les ministères en charge des transitions écologiques et énergétiques.

Deuxième chantier Faire du ministère de la Culture un acteur engagé dans la formation au développement durable

La question de la formation initiale et continue, centrale à tous les niveaux, doit être traitée avec un volontarisme affirmé.

La CFDT-CULTURE demande donc :

–   Un investissement massif dans les écoles d’architecture, afin de permettre aux ENSA d’inscrire dans la formation initiale des futurs professionnels les questions énergétiques, l’écoconstruction, l’intervention dans l’existant, la régénération des territoires ou encore le réemploi des bâtiments comme des matériaux ;

–   Au-delà de l’architecture, la prise en compte de ces enjeux dans les formations de toutes les écoles nationales supérieures du périmètre Culture, sans avoir peur d’ouvrir le chantier de l’évolution des maquettes pédagogiques ;

–   La création de parcours généralistes, notamment à l’attention des encadrants, en les articulant avec les formations métiers existantes, qui sont à compléter afin de couvrir tout le spectre des besoins sectoriels.

Troisième chantier Faire des établissements publics et des services à compétence nationale des têtes de réseau exemplaires

Les établissements publics, au plus près des territoires, doivent être reconnus et aidés comme des acteurs majeurs de la transition : ce sont eux, selon leurs métiers et avec leurs spécificités, qui expérimentent aujourd’hui et portent les innovations, pour eux-mêmes mais aussi pour toutes les filières desquelles ils sont parties prenantes.

La CFDT-CULTURE demande donc :

–   L’attribution aux EP et SCN de moyens pour financer leur mise à niveau technique et bâtimentaire en termes de stratégie immobilière ;

–   La création systématique de postes dédiés à ces enjeux de transition écologique, à la fois techniques et dans les compétences métiers, en appuyant les fiches de poste sur de réelles notions d’expertise : la transition écologique doit cesser d’être une variable d’ajustement RH ;

–   La mobilisation de quelques établissements majeurs à forte visibilité et chefs de file dans leur secteur, par la création de postes de directeurs du développement durable, pour donner corps à la transition écologique du monde culturel.

Quatrième chantier Remettre à plat tous les circuits budgétaires pour financer la transition écologique de la Culture

La question budgétaire est majeure, non pas dans une perspective d’accroissement des ressources, car la transition écologique, à l’heure de l’augmentation du prix de l’énergie, des primes d’assurance et du coût des dégâts liés aux aléas climatiques, ne réclame pas une augmentation budgétaire globale, mais plutôt un redéploiement d’un type de dépense à un autre.

La CFDT-CULTURE demande donc :

–   Que les politiques d’écoconditionnalité soient travaillées de manière aussi bien globale que différenciées par métier ;

–   Que les dépenses de fonctionnement soient liées aux dépenses d’investissement, car il n’y aura désormais plus de fonctionnement pérenne sans investissement, notamment dans le champ bâtimentaire ;

–   Que la stratégie immobilière du Ministère place les investissements énergétiques au cœur des projections et cesse de faire du « green washing » dans ses projets.

Cinquième chantier Faire des DRAC des acteurs majeurs de la transition écologique sur les territoires

En matière de transition écologique, les DRAC sont à la manœuvre, en particulier par leurs liens avec les collectivités locales : l’expérimentation territoriale doit être gage d’adaptation des politiques publiques de la culture aux nouvelles contraintes.

La CFDT-CULTURE demande donc :

–   D’expérimenter avec les collectivités des processus de partenariats innovants afin de garantir, dans le contexte de crise écologique, la pérennité des politiques publiques culturelles ;

–   De mettre en place un vrai travail interministériel suivi et constructif sur les questions énergétiques (énergies renouvelables et rénovations énergétiques en particulier) afin que les services en charge des patrimoines et de l’architecture, et notamment les UDAP, puissent travailler sereinement sur leurs territoires ;

–   D’expérimenter l’accompagnement dans les transitions de tous les acteurs de la culture, associations, salles de spectacles labellisées, musées de France.

 

Paris, le 22 mai 2023