Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?
L’intelligence artificielle a pour principale finalité de concevoir des systèmes d’information capables de reproduire, sinon surpasser, l’intelligence humaine : cette technologie a longtemps été présentée au grand public sous la forme d’une compétition entre l’homme et la machine. Des ordinateurs étaient ainsi capables de battre les meilleurs joueurs d’échecs ou de go ou bien des « assistants » personnels répondaient à toute question posée par un être humain en langage naturel.
Pourquoi en entend-on parler ? / Pourquoi est-elle devenue incontournable ?
Ces avancées technologiques ne sont que l’arbre cachant la forêt. Aujourd’hui, il est frappant de constater à quel point la notion d’intelligence artificielle est imbriquée dans notre quotidien, privé comme professionnel. Elle s’immisce aujourd’hui dans nos conversations électroniques, nos traductions, nos géolocalisations ou encore dans les recommandations algorithmiques que nous recevons.
Au sein de l’Etat, dans un contexte où l’information est produite et stockée massivement sous forme numérique, les administrations publiques ont recours à l’intelligence artificielle pour tirer parti de ces vastes réservoirs de données, en obtenant d’elle des prédictions, des recommandations, si ce n’est même des décisions. L’IA est une priorité du plan « France Relance », à travers lequel de nombreux projets numériques exploitant ces technologies ont reçu des financements. L’intelligence artificielle, considérée comme un levier de développement et de modernisation (un de plus…), s’intègre donc de plus en plus dans nos méthodes et nos outils de travail. L’élan donné au Pass culture doit être par exemple recontextualisé dans cet environnement technologique.
Dans le contexte d’une technologie déjà complètement intégrée dans la société, il peut sembler paradoxal d’assister au vent de panique ou à l’enthousiasme inquiet qui a saisi la planète depuis quelques mois avec la sortie de nouveaux chatbots comme ChatGPT 4 et autre Bard. C’est que nous avons affaire à une technologie au développement exponentiel qui est en train de briser les frontières entre la vie et l’artificiel.
Comme toute technologie, l’IA est ambivalente.
L’intelligence artificielle survient dans nos métiers
L’intelligence artificielle peut s’avérer être par exemple une véritable aide pour mieux accomplir les missions des services publics. Par exemple, l’usage des technologies du machine learning dans les archives et les bibliothèques permet de faire transcrire à un ordinateur des quantités gigantesques de documents manuscrits, qui deviennent ainsi bien plus rapidement accessibles à leurs publics quand le traitement par des agents aurait pris bien des années pour arriver au même résultat. Elle ouvre des terrains d’exploration gigantesques dans le domaine de la création, de l’écriture de scénarii, à génération d’images ou la production de design et d’architecture au point que l’on évoque désormais un « accélérationnisme esthétique ».
Quels sont les risques et les points de vigilance ?
L’intelligence artificielle suscite néanmoins, à juste titre, de vives inquiétudes. Elles sont d’abord éthiques dès lors que la technologie touche à la vie privée des individus ou tend à se substituer à l’humain pour la prise de décision. Il suffit de constater l’actualité récente, marquée par la violation régulière du Règlement Général de la Protection des Données (RGPD) et les sanctions infligées par la CNIL à des sociétés comme Clearview AI, société américaine spécialisée dans la reconnaissance faciale qui utilise indûment des images postées par les internautes français sur les réseaux sociaux pour vendre ensuite ses solutions à des services de police. Il suffit de mesurer les débats autour de l’audit par le ministère de l’Intérieur d’algorithmes d’intelligence artificielle pour analyser les images de vidéosurveillance lors des prochains Jeux Olympiques. Il suffit de ressentir la grande prudence de l’Union européenne qui actuellement élabore un « AI act » pour protéger les droits fondamentaux des personnes face à ces technologies et qui y a récemment ajouté l’interdiction d’utiliser l’IA pour traiter des données personnelles, notamment la reconnaissance faciale, la notation sociale et la police prédictive…
Le second point de vigilance concerne l’hybridation entre l’illusion et la réalité qui peut avoir des effets extrêmement déstabilisants sur le fonctionnement de la société. Si un pape en doudoune peut nous faire sourire momentanément, un monde où règne la désinformation et manipulation de l’opinion serait pour le moins inquiétant. De ce point de vue, la difficulté à réguler les réseaux sociaux devrait nous alerter et inciter les autorités publiques à anticiper de nouvelles formes de contrôle de l’IA.
Tout dépend, une fois encore, des usages que l’on fait d’une technologie qui pourrait tout à fait se révéler comme une boîte de Pandore. Elle doit être utilisée comme un auxiliaire, et non un substitut, à l’humain. Il convient de respecter des règles et une éthique, pour éviter les dérives, de la protection des données privées à la propriété intellectuelle, de la sécurité à la fiabilité des systèmes. Il faut placer l’intelligence artificielle au service de la collectivité et de valeurs humanistes, sans se voiler la face sur ses dangers, en sensibilisant nos concitoyens à ses enjeux, ses usages et ses risques.
Le Ministère de la Culture est directement concerné par cette évolution technologique majeure que certains comparent par son impact à l’arrivée de l’Internet. Elle concerne comme on l’a vu aussi bien le patrimoine que la création et la communication soit l’ensemble des filières professionnelles qui rentrent dans le périmètre de l’action de notre Ministère. Elle va s’inscrire dans un environnement professionnel qui, quel que soit nos métiers, s’imbrique déjà toujours plus avant avec des plateformes numériques. Dans ce contexte, il est d’autant plus nécessaire d’anticiper les nouvelles manières d’exercer nos métiers, les menaces qui existent sur certains, comme les nouveaux métiers suscités par cette technologie. Il est nécessaire aussi d’anticiper des formes de régulation possible tant sur le plan juridique qu’économique. La volonté de la Ministre de la Culture d’évaluer l’impact sur la culture de l’IA est une première étape dans cette direction. Mais il est nécessaire de penser concrètement et rapidement à des actions qui pourront développer les capacités d’observation et d’analyse, de formation et de sensibilisation au sein du Ministère sur ces enjeux.