Le ministère de la Culture est-il ministrophage* ? Trois ministres en trois ans et demi ! Peu de ministères peuvent se targuer d’un tel « roulement **».
À ce rythme, il va falloir les numéroter !
On entend déjà notre nouvelle ministre : « Je ne suis pas un numéro. Je suis une ministre libre (comme la création) … »
Les ministres sortant(e)s tirent toujours des bilans dithyrambiques de leurs actions. Elles expriment et disent leur immense fierté… ou honneur ou les deux, la nouvelle ministre, comme les précédentes.
Plus prosaïquement, les organisations syndicales l’alertent, expliquent que tout ne va pas bien, voire mal (l’exercice est un peu long), alors la nouvelle ministre affirme qu’elle comprend et s’engage à ce que tout aille mieux, tout en pensant que les représentants des agents exagèrent puisque la précédente est partie heureuse du travail accompli. De toute façon, Bercy et/ou Matignon finiront par dire non en ajoutant « austérité et effort budgétaire ».
La seule nouveauté dans cette saison 3, c’est le premier épisode avec l’arrivée de la ministre en pleine discussion au Sénat d’une loi concernant le ministère. Non pas une loi mais LA loi… LE projet majeur et inébranlable… des deux ministres précédentes.
Sacré baptême du feu ! Néanmoins, comme conseillère Culture du président, elle devait être un tantinet au courant du contenu de la loi et des oppositions qu’elle a générées.
Ne perdons pas de vue que cette loi – majeure pour l’avenir du service public culturel – c’est un peu l’arbre qui cache la forêt des dossiers qui attendent la ministre.
Le président a-t-il averti son ancienne conseillère que le ministère est dans une situation catastrophique, n’en déplaise à la ministre sortante ?
La réforme territoriale – active depuis le 1er janvier 2016 – plonge aujourd’hui les DRAC dans un tourbillon administratif : circuits de signature, délégations ou subdélégations de signature mal définies, organigrammes flous, inexistants ou dysfonctionnels… Les agents passent – déjà – leur temps à faire des allers-retours pour des réunions au lieu d’agir sur le terrain, les interlocuteurs extérieurs ont la sensation d’un vaste bazar… (on passe sur les croisements de courriels apportant des réponses différentes à la même question). Nous n’en sommes plus à la perte de sens, nous en sommes à l’absence de sens qui génère le mal-être et les souffrances plusieurs fois signalées.
Le dialogue social – ou parfois monologue – dont les différentes hiérarchies se sont félicitées n’est au mieux qu’un vœu pieux au pire une entourloupe majeure. Rappelons que ce n’est pas le nombre de réunions ou d’instances qui fait la qualité du dialogue social, mais la réalité des engagements de l’administration et/ou du cabinet. Or, sur certains sujets « la non réponse est une décision » semble avoir été la seule ligne conductrice du précédent cabinet.
Évidemment, le nombre d’énarques au mètre carré (avant déménagement) n’aide pas à envisager autre chose que la politique du PDVMVPDV (pas de vagues mon vieux, pas de vagues) où seules les visions technico-administrativo-financières ont voix au chapitre.
La RGPP a déstructuré ce ministère, les politiques de ressources humaines récentes, l’empilement de la hiérarchie intermédiaire, l’absence de GPEEC… lui font perdre toute son efficience.
Les mots (ou les maux) du ministère sont désormais « objectifs de performance » et « tableaux de suivi » en casant par ci par là « numérique » ou « data » pour faire xxie siècle.
Les agents continuent – malgré tout – à se démener pour réussir à accomplir leurs missions : mener des projets pour que la culture, nos cultures, notre diversité rayonnent sur l’ensemble du territoire.
Dire que nous ne sommes pas soutenus par le Premier ministre ou le président de la République est une triste réalité.
Le budget à nouveau en hausse en 2016 (une autre baisse aurait conduit à mettre la clef sous la porte) n’a rien changé dans le quotidien des agents, que ce soit sur le traitement indemnitaire ou sur les taux de pro/pro. Nous ne jouerons pas à savoir quelle catégorie de personnels est la plus mal traitée : tous les agents du MCC sont mal traités. Si certaines décisions ne sont pas du ressort de notre ministère, il appartient à notre administration et à notre ministre de se battre pour les agents et pour le ministère !
Nous ne ferons pas de ce tract un inventaire à la Pérec de toutes les difficultés, nous préciserons en revanche que nous attendons de la ministre, certes une parole (un vrai discours de politique générale), mais surtout des actes et une pensée qui redonne du sens à notre ministère et à son action !
Soyez tout de même la bienvenue Madame la ministre… même si nous, nous n’avons pas de buvette (cf. les débats du Sénat du mercredi 17 février 2016 vers minuit…).
La CFDT-CULTURE, Paris, 18 février 2016
*ministrophage : dévoreur de ministre
**roulement : turnover en français de l’ENA
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Aller à la déclaration de la CFDT-CULTURE au CTM du 11 mars 2016 Le ministère ou le monde du silence